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Une fois Ne plus

20 décembre 2015 Comments Off

Place du Grand-Sablon, peut-être 10 degrés.


Il y a quelques années tu te souviens nous déclamions en riant,
Nous deux filles d'immigrés, Hugo, Chateaubriand,
Deux petits rejetons de la République, deux sœurs
Chantaient la Marseillaise dans la ligne nonante-quatre,
La main sur le cœur et le cœur quelque part entre Leuven et Ath,

Je te disais que je deviendrai bien belge, pour devenir un peu consensuelle,
Pour une fois ne plus nous déchirer sur nos ternes présidentielles,
Pour une fois ne plus désirer convaincre mon voisin, mon frère, mon ennemi,
Pour une fois ne plus regretter ce que mes parents ont aimé, 
Charles-de-Gaulle, mille-neuf cent soixante huit, Mike Brandt et les yéyés

Moi je suis plutôt René Char, Jean Moulin et Cabu,
Tu vois je pensais que la France était révolue, dévolue au crépuscule,
Langue morte, astre éteint de toutes les idées,
Les Lumières, les arts et littérature, du passé,
Le Panthéon, un vieux temple du délire républicain,
Je pensais que le monde tournait maintenant sans nous et notre Marianne ramassée dans un coin,

Je te disais que je deviendrai bien Belge une fois pour me refaire une santé,
Parler néerlandais, aimer ses paysages de couleurs froides, ces brumes interminables,
Ses fermes carrés, cathédrales de brique mousseuse, terrils de charbon et de sable,
Je voulais me fondre dans leurs champs de blé, leurs cheveux jaunes,
Leur yeux de ciel endormi,

Mais ce soir j'ai oublié que je n'ai jamais aimé Paris,
Le verre à la main et la main sur le cœur,
Ce soir où s'éteignent cent vingt-neufs flammes de vie,
Ce soir où rien ne triomphe que l'horreur,
Je t'aime autant que moi, ma Patrie, 

Et dans cette nuit immense qui nous attend, 
Serons-nous à la hauteur de la fureur
Car le soleil se détourne désormais lentement de la Terre
Nos visages sont à moitié dans la nuit
Mains serrées, yeux clos, ne restent que nos prières dans le noir

Serons-nous à la hauteur de ta grandeur
Il est déjà si tard