Mourir debout

8 janvier 2015 Comments Off


Il est six heures du soir dans mon bureau doré.
Il ne neige plus, il y a comme une odeur de félicité de partout, de retour de congés, on se bidonne lourdement à la machine à café le ventre plein de saumon fumé. C'était le début d'une année où nous nous pensions invincibles, simplement spectateurs de la désolation, la peur juste sur l'écran de la télévision, à des kilomètres de notre chariot plein de courses, de nos afterwork, de nos happy hours. Aujourd'hui l'heure est sombre. Tout d'un coup la nuit est tombée, le danger s'est ramassé à nos portes, tapi dans l'ombre, mouvant, insaisissable, voire incompréhensible.

Ma tasse de café a tapé sur le coin du clavier, puis quelque chose à l'intérieur de moi est mort, sans crier. A Bruxelles, il ne s'est rien passé, les voitures ont continué leur ballet sans souveraineté, je suis restée longtemps dans un embouteillage à simplement pleurer. Je n'ai pas peur, tu sais. Tu sais j'ai regardé ces foules se rassembler comme un seul pays de part le monde entier. Cette foule qui dit comme un seul homme: je suis l'Humanité. Nous nous pensons toujours invincibles, jusqu'à ce que cette lance se plante au cœur de toute notre grande philosophie. 

Alors je marche. De la gare du Midi jusque Gare du Nord, et dans le monde entier, nous marchons tout fronts dehors pour nous lever contre l'obscurantisme. Nous marchons dans le froid les doigts gelés pour rendre hommage dans la plus simple humilité à ceux qui le combattent, hier, aujourd'hui et demain. Nous marchons pour rester debout, et pour rester en vie. Je hurle à l'intérieur de moi que je préfère mourir que de ne pas pouvoir m'exprimer, exister.
Ce soir, je suis tout le monde.
Je suis toutes les langues, tous les alphabets.
Toutes les bouches, tous les bras levés
Toutes les mains calleuses, les pieds fatigués.

Plutôt écrire toute la nuit que me taire à jamais.

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