Archive for 2011

Combien

31 décembre 2011 Comments Off


Jardin des sculptures, Bruxelles. Décembre 2011

La veille de Noël mes deux pieds dans la boue
J'étais au petit square rue de la Perralière
Je serrais une statue, ma joue contre sa joue
Il faisait presque clair
Et je l'ai enlacée comme je l'enlacerai, 
C'était un airain vert
Si je pouvais lui dire encore une fois toujours
Comme j'entendais mon cœur là tout contre la pierre
Comme il est froid ce jour. 

J'ai gardé une bouteille de champagne, mais l'on ne se reverra pas, cette année, cette fois. J'ai décidé de changer d'avis et d'aller à la mer, pour ensevelir ces jours les plus beaux là tout au fond de l'eau. Là dans les vagues, là dans quelque mystère, là loin de toi, là haut.


Me souvenir d'un printemps

24 décembre 2011 Comments Off

Sur l'île de Versailles, les oiseaux se cachaient
Les yeux clos dans le jardin
On entendait la musique sur les terrasses et le bruit du tramway
C'est à Bruxelles, il neige
Rien que l'odeur mousseuse de la rivière et de la mer
La nature fourbue s'est freezée dans un coin
J'étais un écueil creusé de cristaux et de terre
Je ne suis qu'un matin

S'engouffraient les vagues
Seul reste le salin. 

Mon amour coté fenêtre

18 décembre 2011 Comments Off

Une ombre se profile, deux. 
Toi et moi sur les bords du parc Koening Boudewijn, sous la neige. 
Les petits entrelacs et marécages sont gelés, les roseaux sont pliés, les cygnes et les oies placides attendent sous les bois. Le ciel reste bleu intense, le soleil troue la glace, rayons d'été tout contre l'eau. Je marche sans souvenir. La vie est blanche, les hôpitaux sont les mêmes de partout, Brugmann-Horta sent lui aussi le vieux formol et le médicament. Ma gorge brûle moins que mon cœur, et mon corps se farde d'impatience. Il faut encore faire sans. Je me balance dans un train, puisque tu viens plus tard. J'ai mon amour côté fenêtre et mes désirs coté couloir, l’œil pendu par la racine contre la vitre, les jambes prenant la fuite, sans savoir à quel paysage je me destine. 

On parle de soleil, de plages à l'infini, du Sud, tous ces autres pays. Et dans la nuit d'hiver, je regarde les photos de ces vies antérieures à Barcelone et Nantes, sans parvenir à trouver une photo à la hauteur de moi. Et contre les briques rouges, mon crâne est insensible. Oui le matin est beau là sur la mer du nord, oui les lumières sont belles, le quotidien est calme et doux, les autres sont beaux aussi. Tant de beauté qui remplace doucement la simplicité vibrante de mon corps allongé dans le canoé, les poignets dans l'eau verte.

Blue Friday

10 novembre 2011 Comments Off

Pattijn, 
dix-huit heures, la nuit.

Arrêt sur écran noir. Recul. La banlieue bruxelloise est plongée dans cette obscurité hivernale qui fait suite à une journée aux nuages si bas que l'on pense que le ciel pourrait, cette fois, tomber. Il est loin le soleil étrange de Bretagne, elles sont loin ces heures heureuses. Aujourd'hui les jours restent éminemment longs, je me sens vénéneuse.

On s'était dit qu'on irait à Los Angeles en hiver. Tout paraissait possible, je me voyais aussi le corps langoureux mouvant à Echo Park, mais c'est ma triste gueule pantine et blafarde qui fixe les étangs d'Ixelles et ses canards sauvages. 

A priori l'amour ne va pas jusque Pasadena.
Il s'arrête quelque part entre nos deux villes de briques rouges. Et entre les deux il n'y a que la mer du nord en plein hiver, si inhospitalière, sans aucun cerf-volant. Juste un désert. Les lettres passent quelques récifs avant d'arriver dans nos mains qui restent toujours vides. Je crois que je suis partie sans comprendre l'étendue de l'abandon, je suis partie sans te dire combien me blesse le sacrifice. Combien pour moi un jour sans toi me semble toujours triste.


Les voiles

8 novembre 2011 Comments Off

Je rêve chaque nuit, comme un présage étrange, des grandes voiles blanches épanouies dans la baie de Quiberon, du souffle marin, du vent. Quand je suis arrivée sur ce quai, gare Bruxelles midi, j'avais un peu le sentiment de m'être trompée de port, mais les bateaux possibles avaient l'air d'être partis depuis un bon moment. 

J'ai cherché mon coeur disséminé entre ma valise et le froid mordant. Je n'ai amené qu'un seul livre, l'Amant, puis je l'ai jeté dans la poubelle à papier entre Bockstael et Pattijn. La maison à véranda est silencieuse et vide, nous sommes dans la banlieue plongée dans le noir, c'est comme un vieux polar. Le Thalys était vide aussi, il était déjà tard, la nuit était tombée entre Lille-Flandres et Mons, et là bas ou ici, voilà un quelque part.


28 octobre 2011 Comments Off

Mon cœur coupé en deux, pomme ouverte dont le trognon pourrit désormais dans ta peugeot 107 en périphérie de Valenciennes. Mon cœur trône sur le plan de travail de la cuisine, à coté des poivrons hachés et des petits oignons. Garde les morceaux, de toute façon, le reste part à la benne. Je nous ai recroisées sur cette place qui portait dans son nom del sol et c'était vraiment le soleil dans ma vie. Je ne nous voyais pas dans l'éternité mais je pensais qu'on allait faire un certain chemin ensemble. Tu te moquais doucement de moi, mais tu sais, on ne se rencontre qu'une seule fois.

Un goût très amer monte dans ma bouche quand je me souviens de ton dernier baiser sur le chemin de la gare de Montpellier-Saint Roch. Depuis tu n'as fait que perdre en sincérité. Depuis je me démunis. Il n'y a eu que des virus humains qui me sont montés dessus, il n'y a eu que des bacilles avides de mon système tout vide. Il n'y avait rien en moi nulle part; il n'y a eu que des inconnus que je n'avais pas envie de connaître autant que toi. Je n'ai vécu dans ce désert sentimental que dans l'espoir de te retrouver.

Automates humains

20 octobre 2011 Comments Off

Le soleil éclaire de manière brutale les dalles de béton, mais le froid est mordant. L'automne a été beau et court, encore amouraché à l'été. Sur un nouvel itinéraire pris pour changer ma journée, un téléviseur en vitrine passe en boucle des images d'affrontement au moyen-orient entre deux snacks turcs, et une petite ballerine attend sur pointes qu'on vienne l'emmener au cours de danse. La valise est déjà faite, il y a si peu à emmener, alors nous trainons paisiblement les cafés.

Je fais l'oiseau migrateur entre deux rayons, hors système temporaire. J'observe les vies des autres, je te peins dans ma tête. Ce fourmillement de foule et de néons, ville et vie lointaine, mon existence future et la tienne actuelle. Au passage piéton, je fais partie de ce millier de gens qui traversent avec une main qui se balance, artefact vide, doux et gelé. Au détour de certaines rues je me surprends parfois à espérer.


Me rattraper

11 octobre 2011 Comments Off


L'automne est arrivé d'un coup, la ville infiniment connue est recouverte d'une pellicule fine de pluie, de cendres, de nature morte, de feuilles rouges dans l'aube éthérée. Les nuits sont noires mais encore chaudes, je marche en essayant de chercher l’interrupteur d'une lumière nouvelle. J'ai bon espoir mais il est tard et je suis seule sous les arbres tous dépouillés du parking Lidl, ma main est aussi vide que tout le reste.  De septembre, il n'y a rien à dire, le rendez-vous n'a pas été manqué. Ce n'était pas ce à quoi je m'attendais, autant avancer. J'ai une robe bleue enserrant ma taille, qui laisse en transparence un corps qui s'épanouit dans l'ombre. J'ai quelques petites incisives de toi plantées dans mon bras, morsures de vie jolie. Plaies plus que vives.

A Waterstones, il y a quelqu'un qui m'a dit : 
Lance ton cœur et cours pour le rattraper. 
Alors je dévalise l'intérieur de moi, je défonce les portes, détapisse les murs au papier peint de fleurs bleues et de glycines, ôte le carrelage et arrache quelques lattes de parquet. Dans le jardin je déterre des bouts de moi mis en bière depuis quelques années, des bouts que tu pressens, certains morceaux que tu connais, des parts que j'ai oubliées.

Je ne marche plus vers toi, je cours,
Mais de l'autre coté.
Avec mes jours les plus heureux en bagage, la mer,
Avec cet espoir, de me retrouver quelque part entière 
N'importe où sur terre.

Indian summer

1 octobre 2011 Comments Off


La ville sur le fil, l'eau et sa surface éclaboussée d'oies sauvages et de petits cailloux.
Dormir entre les feuillages, préparer l'horizon, le dessiner,
Dans les bars, les terrasses sont encore illuminées, avec elle la promesse d'un soleil différent
Le même astre, mais d'un autre coté, le même ciel, mais sous d'autres nuages
Sans plus espérer, agir, la mutation est belle,
Refleurir en automne.


you will find your way

29 septembre 2011 Comments Off

My lips are longing for another taste, my body wants to run, my eyes are thirsty, my hands are hungry, my smile just asks to cheer up all those new faces, in all those new streets,
in every landscapes.

in another part of the world, above ours,
my heart remains yours,
my one and lonely

Gofle d'Aden

9 septembre 2011 Comments Off

Nous sommes restées longtemps sous les étoiles avant de s'en aller. Nous sommes restées contre le chien,
Nous sommes restées dans la neige sur le chemin du restaurant. Quelques semaines après je marche sur quelques kilomètres le long de la ligne de tramway, je seul, je réfléchis. Par le vitrage sans teint d'un bureau vide, le miroir renvoie l'image de ma robe, silhouette bancale, pieds fléchis vers le centre de la terre, tête relevée parce que je vaux plus que n'importe quel pronom.

J'ai un peu oublié où se trouve l'été, l'automne, en fait c'est toutes les saisons, c'est un espoir étoile qui brille dans tous les horizons. De partout, dévisager le monde, l'immensité, l'intensité du monde, cet univers sans toi où j'évolue sans désaimer. Composer une musique où j'espère encore poser ma tête contre ton cœur en corps.

Un puzzle de vie se réaffirme solitaire, mais au fond c'est bien tellement vital de vivre pour soi-même. Cette liberté je la prends à bras le corps, le champ des possibles est grisant et effrayant. Au bord d'une petite falaise, mes ailes naissantes tentent de battre quand même, peut être qu'il faut que l'on pousse un peu, un peu que je glisse, que je dérape contre les pierres, jusqu'à savoir correctement voler jusque la mer. Je ne marcherai alors pas des jours jusqu'à toi, mon chemin s'arrête à Douvres, je refais demi tour. Regard retord jusqu'à Etaples, je prends à bras de l’œil l'ensemble de la terre, elle s'offre toute entière, du détroit de Béring jusqu'au Golfe d'Aden. Cette liberté nouvelle,je la prends aussi, écoute ton cœur qui la préfère à moi, écoute le donc si parfois je suis là, si ton bonheur continue de se ponctuer de moi, de la musique au petit matin, de faire l'amour, faire l'amour en te gardant dans mes bras jusqu'au petit matin Du petit matin dans tes bras à te faire l'amour, l'amour avec mes yeux avec mes mains mon cou mes attaches, mon essaim.

Je ne suis pas temporaire, ni la fille d'une nuit
Je vaux tellement une existence entière.

De partout poser mes yeux sur l'univers qui se démêle
Dehors, l'été sans va, les oiseaux se dégrafent de la terre
Plantés vers le soleil

Amour secondaire

8 septembre 2011 Comments Off

Dans la gare je suis ce meuble immeuble contre un pylône,
le cou tendu contre le mur.
Vingt bonnes minutes à louper des trains
mais mes larmes se fondent avec les rails,
et là au fond, une flaque de déception.

Un billet dans la main, c'est peut être l'avion, le train.
Je suis à la poubelle, et mon coeur a la benne
Quand on disait il n'y a que des preuves d'amour.
Quand je faisais 9h d'allers et de retours pour te serrer dans mes bras
Bonne nuit mon amour bonjour

Recroquevillé mon espoir chevillé au corps,
Je vais m'instruire le coeur et l'âme ailleurs
Je fais partie du décors du monde entier, je ne vis pas à moitié
Si ce nous est précieux, si j'ai de l'or aux bouts des doigts,
A toi de revenir, à toi de me chérir, moi je suis encore là.

the living

5 septembre 2011 Comments Off

2 septembre 2011 Comments Off

Des envies simples,
Me réveiller et te voir.

Their home

1 septembre 2011 Comments Off


Ils prennent des photographie du toit terrasse et on voit une montagne mystérieuse qui n'en finit jamais de repousser le ciel. Radiographie du monde qui démange, ils développement et coopèrent, amassent le sable et puis un peu la terre pour créer un jardin, des orangers, des conifères, des pins. Prendre la tangente à l'intérieur, le TER peut bien aller où il le veut, j'ai des fois un peu de jasmin dans la tête, des fleurs dans le cerveau.

Avoir plus souvent un cœur à la place du crâne. 
Et quelques As en main,
La vie vaut bien tous les tapis. 

Erase & rewind

31 août 2011 Comments Off

Tu m'as finalement jeté au téléphone moi et tous tes collatéraux jusque ta descendance. J'étais au milieu du parc des sports, ces cinq stades vides et un ballon crevé. Je me suis assise sur une bordure éclatée par un bardage griffé, Givors est devenu à nouveau cet amas de terres polluées et de micro pieux en acier abandonnés. Je me suis retrouvée avec Cyriac, le mécano des avions qui prend le train de 18h16, on peut lui citer une rue parisienne et il connait l'arrondissement, alors on fait des jeux dans un café. Le soleil est parti brutalement, c'était déjà il y a quelques mois.

Rentrer dans le début du soir.
Un goût de métal dans la bouche. 
Il y a des orages terribles sur quelques grands ensembles.
Que des images de banlieues industrielles, pylônes gris
et grandes cheminées noires.

Le paysage est loin.



At Last

28 août 2011 Comments Off

Orages violents sur New York City, voitures piégées quotidiennes, morts stupides dans un coin de garage, le monde a toujours son habituelle grosse tumeur à l'aine, mais cette semaine n'était pas ordinaire. Le mois d'août non plus, puisqu'il y a cette histoire à raconter, et qu'elle semble se finir. Il y a trente-cinq ans, tu partais d'un coup de tête quelque part, parce qu'au détour d'un café elle t'avait dit que tu fumais trop, que tu en avais surement marre d'être la sœur qu'on appelait tête de mort. Je ne sais pas si vraiment tu étais différente, et qu'elle difformité ils t'ont trouvé pour te mettre à ce point de côté.

Tu as grandis un peu avec moi juste par leurs remords. Je t'ai écris des centaines de lettres sans adresse que je postais quand même. J'ai un passe-temps étrange tu vois, d'écrire à personne et à tout le monde à la fois. Je ne sais pas comment tu as disparu, ni pourquoi personne n'a trouvé la force de te chercher, ils disaient tous que c'était fini à chaque Noël, que tu devais être en Afrique noire au fond d'un café tenu par les chinois, un verre d'alcool industriel ou de bière au mil, tes empreintes digitales effacées par le khat. Alors, du Sénégal au Cameroun, faire tous les annuaires, les registres, listings de données molles, l’œil avide de ton nom de partout; De partout appeler des homonymes dans l'espoir de rencontrer ta voix. Inconnue dans l'ombre, quelque part dans l'équation du monde je n'ai jamais cessé de penser à toi. Moi l'appendice étrange, parente éloignée dont on a toujours dit que tu étais mon portrait caché.

Et trente-cinq ans après, voilà mon écriture bancale et cette photo prise à Tunis avec ma mère, le cou entouré par un serpent, dont la queue tombe négligemment dans la poussette d'où poussent deux yeux noirs. La lettre balancée jusque Paris nord.  J'ai dit que j'étais de la Chambre des notaires de Vendée pour ton acte de naissance, et puis j'ai jeté mon cœur jusqu'à toi, moi je savais que cette fois je ne me trompais pas. Le mois d'août n'a pas été ordinaire, non, j'avais rêvé de ce moment depuis des millénaires. Je sais que tu m'as appelée, plusieurs fois, tu as entendu ma voix de l'autre coté du grand bateau noir des années, et puis tu raccrochais. Je ne suis qu'un collatéral, intermédiaire du vide. Ton numéro en 01, j'ai pas voulu le décrocher non plus. Faire tant de choses pour te trouver pour au final ne pas être capable de te parler. Après tout, je ne suis qu'un appendice étrange, tu ne sais même que je suis née, qu'on m'a parlé de toi toute ma vie, toute ma vie sa sœur fantomatique. Le drame de ma mère, que tu ais disparu, les disputes de Noël sur ce passé que je ne comprends pas, c'était tout ça pour toi. 

Trente-cinq après. Vingt secondes de toi à mon oreille, quand tu me dis pourquoi maintenant, alors que c'est parce que personne n'a réussi avant à te trouver. Tu as une voix de fumeuse, et quand tu te sens mal à l'aise, tu deviens détachée. Te circonscrire rapidement. Bien sur que je viens, je prends le prochain train, samedi matin. Bien sur que je viens.
 

312° Kelvin

19 août 2011 Comments Off


Rien d'autre que la chaleur et un ressac de poussière le long de la voie C.
C'est vendredi et je traverse les bouts de bois brûlants qui flamberaient presque. Sous 102 degrés Fahrenheit la Vallée de Chimie sent la mort, le soufre et les gaz industriels, les cheminées rendent grâce aux nuages grisés par dizaine, le TER les traverse, voyage dans le métal, petit tour en enfer. Il y a deux ans je dormais chez Julien dans le salon à Gerland, et par la vitre dans la nuit d'hiver on voyait les fumées de l'Institut Français du Pétrole et toute la pétrochimie locale réunie qui peignait le ciel.

Calfeutrement provisoire pour le week end un peu déprimant. Persévérer à accumuler les choses à l'intérieur, contenir les tristesses éventuelles. Partout tout est si calme, pas une voix nulle part, les rues sont désertées, l'appartement aussi. Il fait trop chaud pour vivre hors du ventilateur. Je m'aventure seule sous la climatisation des magasins, les gens aussi regardent les vitrines glacées avant de revenir dans leurs chambres aux volets fermés. Et dans la canicule en août il n'y a rien à faire si ce n'est rester dans un bain de fleur de sel à dégorger lentement, et à attendre patiemment qu'un brin de vent revienne. J'ai l'impression d'avoir de belles choses en moi à donner, un jour, quelque part, ailleurs. Ailleurs que toujours au même endroit. Cesser de vivre à l'envers, cesser l'été, cesser le sentiment qu'il n'y a que la nuit qu'on espère.

In anima

15 août 2011 Comments Off

Longer le bord du quai, corps en cage en attendant un retard. Du matin au soir quelque chose qui se consume, barbecue intérieur. Il est dix-neuf heures sur la voie 1bis, celle que l'on doit traverser à pied sur des caillebotis de bois abîmé. Le soleil brille toujours c'est un enfant qui ne veut pas aller se coucher.

Pour atteindre la voie C de la gare , il faut passer un fleuve dangereux de cailloux vibrants et de trains de fret roulant tous fers dehors jusqu'aux usines. A Givors-Ville, on est resté dans les années quatre-vingt, les ménagères en bigoudis discutent aux pas de portes, les ouvriers sont en bleus de travail, les cols blancs sont en blanc, si blanc. ll y a eu une faille temporelle à Givors, on est maintenant dans le monde fou des projections satellites  balancés sur la petite TV du kebab d'à côté. Les émirats envoient leurs émissaires prosélytiques, publicités de shampoing, yaourt halal, pèlerinages dorés jusque la Mecque. Les grattes-ciels saoudites arrivent par centaine sur le plasma tout maigre du boitier, les façades sont de verre. Ils montrent aussi le désert. Toute la dichotomie du monde à la télé.

Je m'éteins tous les soirs vers quatre-heures du matin. Je ne sais plus, si je ne sais plus dormir, si je n'en ai plus envie. J'essaie de capter des étoiles filantes qui auraient la folie de passer au dessus de ce chaos humain. Il n'y a pas de repos dans ce bordel urbain. Les neufs mètres carrés de chambre sont occupés par des meubles, des reliefs de repas, des tapis, des photos de nous, des parfums que je ne porte plus, à quelques encablures on entends les voisins, ces autres qui respirent, et ce bébé qui pleure jusqu'au petit matin. Capharnaüm de vie ancienne, que je ne reconnais plus, et puis amas de vie nouvelle, que je rêve d'exporter ailleurs.

Le ciel ressemble à une toile de tableau déchiré par les nuages, les perséides sont passées et le mois d'août reste, silencieux démentiel. Le mois d'août c'est toujours le silence en banlieue. Le jour, je traine ma carcasse à la recherche d'une terrasse qui m'accueillerait sous ce ciel lourd et gris aux alentours de midi. Le dégoût ambiant de la semaine passée n'est toujours pas parti, je suis toujours malade mais je sors quand même. Fabien aussi dit que marcher jusqu'à Leeds, ça serait possible, mais qu'on ne peut pas faire ça en hiver. J'essaie d'envisager comment vont être ces mois où la raison doit l'emporter, où il faut se faire taire, s'endormir. Je ne garantis rien. Concrètement, ici, il n'y a rien à te raconter. Souvent je rêve de ne plus laisser de traces, de me fondre dans une forêt, un lac. Enfin, il y aurait à dire, autre chose qu'une longue marche juste rêvée. Prendre cette fois vraiment ce prochain train.

Le marché aux puces de la place Grand-clément a l'odeur des épices arabes et du poulet rôti, des fringues venues de Chine et du plastique petroleum des gadgets premier prix. Nous traversons les étals bâchés avec une grâce quelque peu angélique, jusqu'à cette petite maison de plein pied coincée entre deux chantiers. A Villeurbanne, les promoteurs sortent toutes dents dehors, les pavillons disparaissent pour des grands R+5 gris beiges avec vérandas, les trottoirs aux dimensions surprise deviennent odieusement standards, les poussettes sont high-tech, les gens restent les mêmes. Regards balancés en coin, jetés, lueurs vitrée d'un fond de lexomil, un verre de rouge, parfois c'est temporaire, le blanc est juste devenu terne par le jeûne religieux. Et ils pensent que ça nettoie leur âme. Les nuages s'amassent en gros boutons noirs, les primeurs lancent des harangues à qui vendra les brugnons les moins chers. Et puis quand la tempête éclate, c'est un torrent sur tous les fruits, les bacs d'olives vertes, une odeur de pourri.

Sous les vérandas, les volets sont frappés par une force mystérieuse, les plantes sécrètent de l'écume. La violence est partout mais les autres ils ferment les fenêtres, espérant laisser la nature à l'extérieur. Je me suis déshabillée sur la terrasse, car nue les éléments n'ont plus l'air étrangers, la menace s'efface. Les salves d'eau arrivent par vagues, me caressent brutalement, m'étreignent et me laissent-là. Contre la balustrade, le lit, reste ce corps douloureusement rêveur sous le ciel abîmé. Je brosse une petite toile sans titre, quelques inutilités, quand je ne suis qu'une marionnette factice du quotidien, portée par la houle et le désir qui se s'arrête pas.Je vis la nuit, et puis aussi le jour mon cœur est là,
Machine fébrile béante vers toi
Vingt-quatre heures sur vingt-quatre mon corps
Tente de suivre un cheval fou
                               toutes aortes dehors.

Away from home

11 août 2011 Comments Off

Je marche à travers de la clinique privée, les façades sont transparentes en rose et bleu, dehors il pleut et il faut faire le code de nuit pour accéder au laboratoire, comme si c'était la nuit noire. Le froid est de partout à l'intérieur. A l'intérieur, une vieille femme pense être enceinte et un grand black fixe les murs de la salle de prélèvement d'un air extatique. Deux infirmiers jouent au cartes, grand rêve éveillé. J'ai la bouche sèche, la nausée. La climatisation me suit partout, de partout c'est le froid artificiel puant, dehors, en moi, dedans.

Je n'ai pas vu les perséides, l'ensemble des nuits reste un pyjama sans étoiles. M'abîmer au fond de l'horizon Villeurbannais, quelques pansements plus tard. A la fenêtre, il ne reste plus qu'à attendre que cette tempête revienne. Qu'elle prenne à bras le corps les feuilles, déjà mortes, les brindilles, et moi avec. Les gouttes d'eau sont larges comme des pièces, dès dix-sept heures je suis malade, je dois sortir, je dois prendre le train, l'avion, le bateau, rouler, pédaler, marcher. Marcher même des jours entiers. Etre en mouvement pour s'émouvoir. Dans la banlieue dortoir, tout est morne, le ciel peut parfois devenir rose, parfois violet. Les voitures luisent dans les allées, des chats ressortent se cacher dans les haies et sous les rosiers. C'est le mois d'aout le plus printanier.

Il n'y a plus d'envol jusqu'aux rochers humides de la côte Atlantique, plus de traversées audacieuses le cœur accroché au vent, amant. Les trains express régionaux continuent de balancer leur système de refroidissement aux relents d'animaux de forêt morts. Certaines choses finissent par me dégoûter: l'odeur des usines du sud, le café. Nausée conflictuelle, reins gauche fatigué, quelques échographies où l'on voit l'intérieur lisse et mystérieuse de mon ventre, fond marin intriguant. J'ai deux ovules qui se baladent, sans prénom.

Dans ces journées sans germe sensible, vivre dans un flou local. Chercher sans comprendre la raison de ne pas savoir dormir, de ne pas pouvoir. Disséquer le manque, en vain, analyser le point de chute à deux heures du matin. Si c'est au dix-septième jour, si c'est après. Chercher ce qui me fait sentir mon futur étrangement incomplet, en ballotage quelque peu angoissant, sans clés. Sans avoir le défi de reconstruire une existence, juste quelques connaissances, quelques ailleurs, quelques données inconnues.  Spéculer dans le vide. Choisir par amour. Je sais c'est temporaire, ce truc en noir et blanc, cette série quotidienne. But I want a home away from home. Attendre de quelqu'un d'autre qu'il vienne nous dérober dans un rêve, et puis le reste est insomnie. Dans la nuit hors saison, frissons.


1332 - 2

6 août 2011 Comments Off

C'est la fin de la Bourgogne, le petit matin est arrivé.
Le Moyen Age est mort, à force de passer ces petits villages d'églises retranchés dans la nuit, ces clochers, ces vignobles ayant survécu au remembrement, à la guerre, ces terres arables. L'aube se lève sur des jachères de mauves et d'azalées, il ne fait pas encore chaud, je marche d'un pas leste, avec un vague sentiment confus de liberté. Des astragales poussent dans les jardins. Lorsque je t'ai rencontrée, je t'avais donné le nom de cette fleur aux pétales tout pâles.
En 1690, on envoyait des astragales pour dire :
vous m'avez guéri.

Au croisement du bassin francilien Sud, point trop d'histoire. Il s'agit de passer, à pied, les plaines d'autoroutes et de panneaux fous sans aucune signification. Après Sens et ses restes mérovingiens, on ne voit plus que les voitures en plein ballet pendulaire, chorégraphie tellement annihilante, géographie du vide. On ne voit plus que ces parisiens seuls, seuls à deux, seuls en famille. Seuls dans la frénésie. Au bord d'un quai de RER, contre un mur, certains tentent d'échapper à une foule, troupeau d'angoisse. Fuir Aulnay-sous-bois. Je passe la journée à traverser plusieurs cubes de béton, de villégiatures en bord de rue, de fonds de cours, de sous-terrains. Et puis dans le dernier métro du soir, je m'efface derrière un journal racontant joyeusement la faillite mondiale.

Succession de routes départementales et tristement périphériques. Toutes tournées vers ce centre du micro-monde qui s'auto-détruit. Je ne resterais pas à Paris, avec ces routes lisses, ces petites maisons de ville en bas côté, vies secrètes, non alignées. Banlieues tranquilles sans intérêt. Sans la mer, sans prétention. On peut toujours faire le choix d'une vie fade. Les avenues en France portent toutes les même noms, pourtant, il y a des différences. Entre la rue Jean Jaurès à côté de la tour de Bretagne, donnant le départ des quartiers nantais chics de Cassini à Copernic.Entre le cours Jean Jaurès traversant Grenoble, avenue la plus rectiligne d'Europe sur ces six kilomètres où je me perdais en plein hiver. Rien à voir. Dans ce périple fou, je quitte Clichy et Montfermeil, mont fermé. A Montfermeil les étangs et leurs petites îles ont été remplacés par un centre commercial. Les quartiers finissent par porter la nature seulement dans leur appellation, souvenir lointain, les bosquets, les oiseaux

Il faut une journée entière de marche pour arriver au cœur de l'Oise. Les forêts domaniales, Creil, Beauvais, ces noms de paysans somme toute plus agréables que le gris francilien. Au dessus du pont Saint-Maxence, les péniches longent les bords de marécages. Ici, on n'a rien bétonné, c'est une succession de fonds de vallons et de plateaux calcaires entaillés. Les rues pavées font mal aux pieds, je traverse d'ailleurs un village qui s'appelle Rue, comme si la France entière s'était transformée en une carte de conquistadora amoureuse, balisée jusqu'à toi. La Picardie est un espace tampon entre la frénésie des villes et la majesté silencieuse des bords de mer. On croit d'instinct qu'il n'y a rien à faire en Picardie, si ce n'est que de la traverser. Pourtant, c'est avec un léger pincement que je quitte Crèvecoeur-le-Grand.

Cela fait sept jours que l'on vogue, bateau ivre. Juste au bout de l'horizon fleurit Etaples, étape iodée dans l'estuaire. La côte d'Opale se délie, on ne voit pas la mer mais on la sent, animal fauve fait de lumière et d'eau. Je me souviens des photos prises au cap Gris-Nez où les moutons grignotent les embruns, le soleil est le même. Le même mois d'août. Dans l'usine de Saint-Frères, des petits enfants jouent au tennis de table, là où au 19ème on tressait  les cordes des marins. Mes pieds sont juste au bord de ce pays de chair fraiche, et de l'autre côté, à trente-quatre kilomètres, il y a Douvres et le Kent. Je me sens d'un coup comme un migrant, aspirant à l'autre rive, apatride du monde entier.
Si je pouvais traverser la mer. 

Bien aimée

30 juillet 2011 Comments Off

Emerger, le corps à moitié contre le rebord de la fenêtre, à moitié dehors. Les téléphones sonnent de part et d'autre de la pièce, des tonalités nouvelles. Communications internationales, bip bip anglais d'une cabine rouge que tu as eu un mal fou à trouver. Désormais il faudra se donner des rendez-vous ici, chacune à un point de la terre, avec une heure de décalage horaire. Plusieurs messages clignotent sur mon portable me rappelant qu'un an de plus a passé. Belle année.

Le dernier week-end d'été, c'était il y a une semaine. J'avais débarqué d'un nouveau TGV direction Toulouse, une ville où je n'ai jamais mis les pieds. Je suis descendue à Montpellier. A vingt et une heures le vent était frais, tu m'attendais devant la voiture 7, apparition divine. Une auréole de soleil flottait au dessus de toi, de la Renault cassée, de tes parents. Nous avons roulé jusqu'à cette maison en pilotis au dessus de l'Hérault, il y avait un air antique dans les paysages d'oliviers et de vignes, dans l'odeur des animaux, des vergers, des champs. Nous retrouver dans le jardin d’Éden, il y a dix mille ans. Ramasser les pêches tombées, les melons. Tout autour de nous, seulement la nature, ce ciel intemporel qui pourrait être celui d'il y a des siècles. Les étoiles sont aussi nombreuses qu'à Khalsa, et comme je n'en avais jamais vu en France. Quand je restais à regarder la nuit avec Sabrine, toutes les deux blotties sous un tapis dans la cour de Mima, ni elle ni moi ne connaissions ni l'étoile polaire, ni les constellations, on se contentait de cette captation mystique. Il n'y a de toute manière jamais eu personne pour nous expliquer le tableau, surement qu'aucun des familiers dormant entre les quatre maisons ne connaissait ce genre de composition. Alors ce soir là avec toi, je t'ai dit que je ne savais pas. Tu m'as montré la petite et la grande ourse, allongée sur le système d'irrigation, mes pieds étaient réchauffés contre le pelage d'un gros chien totalement inconnu.


Finir cette période de vas-et-viens franco-française au bord d'une piscine privée, entre deux apéritifs. T'enlacer comme si d'un clin de cil j'allais te perdre à l'intersection d'une ruelle. Te serrer la main comme si je n'allais plus jamais la rattraper, ni sur cette place de village à la nuit tombée, ni ailleurs, ni nulle part. Nous prendre à bras le corps comme si je n'allais plus jamais te retrouver. Te faire comprendre, te transmettre, te dire. Tout ce que je ne pourrais plus te donner par la suite. Te sentir, te toucher, te chérir. Téléportation à l'arrêt d'un tramway en périphérie d'agglomération, Les yeux rivés sur le plan des transports en commun, embué. Même le regard des passants a cet air d'au-revoir. Je pleure bêtement, je ris en même temps. Nous nous délaçons à une station. Toi direction l’aéroport, et moi jusque la gare, éternellement la gare.

1332 -1

29 juillet 2011 Comments Off

Quitter le parvis de l'église Saint Nizier d'un pas leste.
Grimper jusqu'à la colline de la Croix Rousse.

Lyon est illuminée dans le petit soir qui tombe, la ville se déplie entre les montagnes : le Pilat au Sud après les usines, les Monts du lyonnais à l'ouest, hameaux verdoyants accrochés aux flancs d'une terre ocre. A l'est, il y a les Alpes. Lorsque le ciel est juste clair, en plein hiver, un jour avant la neige, on voyait le Mont Blanc de mon sixième étage. C'est André, le vieux voisin du 5ème qui disait ça. Maintenant il est mort dans la chaleur de juin et l'été s'annonce déréglé et pluvieux. Juillet, dix neufs degrés. Je longe le plateau, la rue du Mail, et là où le marché se tient tous les samedis matin, il y a un goût de fraises fraiches, de haricots plats et de rosette. 
Gagner les quais de Saône, jusqu'à l'Ile Barbe, dans un silence mystérieux. Nous n'y somme jamais allées à deux, on avait préféré prendre l'autre côté et manger chez Bocuse. Tu avais ton costume noir si bien coupé, si soigné qu'il faisait se retourner les gens à ton passage. Je m'étais assortie à toi, pendant femelle avenant et bouche souriante, cœur ouvert. On s'était dit que la sole meunière, c'était un peu trop cher. 

Parcourir l'Ouest entre les Monts d'or. Regarder la Vallée de la Saône en robe jaune et rouge, parée d'arbres à feuilles caduques et de petits ratons laveurs entre terre et eau. Les bacs vont et viennent dans le soleil couchant, je suis partie il y a deux heures, le chemin est à peine boueux par la pluie tombée, on se croit au printemps, on aurait jamais pensé que c'est ça  l'été. Après Villefranche, dortoir mort de rues principales qui pourraient être le décor d'un film sur la seconde guerre mondiale, la vallée devient plaine, des petits villages tout plats et parsemés de vignes ponctuent le chemin. C'est la fin de la région Rhône-Alpes, et le début de la Bourgogne, pays de bocage et de forêts pimpantes. Les villes traversées ont des noms de grands crus : Chateau-Chinon, terres de Chablis, et puis il y a Auxerre. Je marche à travers l'Yonne, presque sur l'eau, qui ressemble à un lac de plaisance sous les petits ponts de pierre. A partir de là, je suis partie depuis trois jours, moi, et mon cœur en vadrouille.

One thousand three hundred and thirty-two km.

28 juillet 2011 Comments Off

Il faut treize jours pour gagner Leeds à pied.
Ce chemin je le ferai désormais chaque soir dans mon sommeil, ville par ville,
jusqu'à te retrouver.

Modern Prometheus

22 juillet 2011 Comments Off

Par dessus le routeur ronronnant dans le soir. Brillantine mauve du moniteur, aveuglement de soirée et bruissement du logiciel. Teinture pixellisée de ton visage d'ange, de l'autre coté de l'étang, voilà, un tableau paisible, ce délicieux delight à ton apparition. Certaines nuits semblent noires et longues, rythmées par le clicclic métallique et le souffle brûlant du vieil ordinateur, les batteries agonisent toutes seules dans mon lit, mon lit hostile sans toi. Tout ce high tech sans intérêt, lentilles de précisions, claviers en prolongement des doigts, LED bleues au dessus de l'écran. Tout ça pour te voir, micro procession de toi sur moi.

Quand je voudrais dormir et que tu me recouvres, juste avec tes bras, qu'il y a un plafond de verre entre mon désir et tes ailes, la vie semble pourtant si simple dès qu'elle est connectée jusque toi. Par dessus ces machines qui ne s'arrêtent pas, je flotille dans le vent, sans fil et sans branchements. T'aimer naturellement.

Anima

19 juillet 2011 Comments Off


Le long de la ligne Atlantique, le paysage est lunaire et agréable, les nuages flotillent tels des petit animaux perdus dans la forêt, à l'affut du soleil. Le train aussi court à perte haleine à la poursuite du ciel. 

Entre deux portes de trains, un pied à peine posé sur le quai, je t'embrasse à l'air libre sans que plus rien ne tonne, il n'y a que cet entre-deux mondes, entre irréel et terre.
Et entre Nantes et Angers il reste encore l'odeur de la mer.
Elle vient des trains corails sur l'autre quai en provenance du Croisic et de Belle-île-en-mer.

Lorsque l'on regagne Saumur, il ne reste que l'iode avalée à plein poumons. Et l'on finit par ne se nourrir que du vent. C'est quand l'on arrive à Massy que le corps devient gris, après quelques tunnels il ne reste que le Grand Paris et cette odeur de soufre, enfer sans majuscule, emmêlé de gens et de valises sur tous les quais.Je ne pleure plus, je suis dans le wagon bar avec mon café crème et j'attends que le temps passe en essayant de le rendre quelque part agréable, dans ce dernier TGV de la ligne Atlantique au parcours si doux.

J'ai l'image des quais du hangar à bananes brillant dans la nuit de ses petits bars en lucioles. Nous regardions la Loire et les vestiges du port fluvial du haut de la Butte Sainte-Anne. J'ai encore la douceur de l'eau de l'Erdre et du vent qui soufflait doucement quand je me déshabillais sur le bord avant de nager à moitié nue avec les canards et les petits poissons. Nous avons bu une bouteille de Champagne et je ne sais plus ce que l'on fêtait exactement, tellement il y a de raisons d'être heureux. Les fines bulles claquent dans mon crâne le long de la vitre comme une pluie fine de bonheur. L'extraordinaire se produisait tous les jours. Prendre un petit déjeuner de pièces montées, allumer un barbecue sous la pluie, rester contre tes seins. 

Tous les jours apprendre une autre ville, plonger dans d'autres rues, il y a de la musique en moi quand je rentre des courses du marché Talensac, quand je prends mon café dans le quartier Graslin, quand je fais une sieste sur l'île de Versailles, quand je reviens dans la maison à l'odeur de bois humide et de vacances. Le train peut bien repartir dans l'autre sens, j'ai juste le clapotis de l'eau dans le canoë et le bruit des vagues, non je ne pleure pas c'est juste que mes yeux, ils sont pleins d'eau de mer, ils sont pleins de ciel au dessus de l'océan, éléments contre éléments, mêlés. J'ai toujours ta main dans la mienne, et je marche encore dans ces pas que l'on a fait ensemble sur ces petits chemins, nos rires restent en moi et m'accompagnent partout crois moi.

Coeurs engins

1 juillet 2011 Comments Off


Rester dans la même ville, dans une chaleur suintante. J'avais toujours rêvé d'être touriste ici mais il y a comme un avant goût d'août à Lyon, et beaucoup d'amertume dans mon vin blanc, de phrases telles que : je pourrais peut-être partir. L'ombre de tous les possibles est longue à venir. Jusque là c'est le plein soleil, la traversée d'un désert de bitume, poussières en gare, nuits tombantes en banlieue, feuilles d'automne sur le quartier. Les rayons sont harassants, le va-et-vient des bolides sur le cours Lafayette bruyant. J'espérais autre chose, sauf quand tu me prenais jusqu'au fond de tes yeux à partir de la gorge.

Dans ton fond c'est la mer, le bruit de la fontaine. C'est l'instant où il n'y a plus rien à souhaiter.

Nous avons fait les statues emmêlées des heures en pleine nuit sur le bord de l'allégorie de Bartholdi. Elle a pris spontanément la direction de la maison avant de se rappeler qu'elle n'existait plus. La maison est partout et nul part à la fois. Mon abri c'est mon corps en roseau plié contre le vent qui avance Place des Terreaux. Mon abri c'est la contemplation passive du monde à travers une fenêtre ou sur un pont, quand tout file à pleine vitesse, quand le train passe, quand les gens se traversent. Puis mon abri c'est toi, ton infini paisible.

Au fond d'un taxi, rejoindre une chambre réservée près des Halles Paul Bocuse. Les façades hautes et haussmanniennes défilent, il est trois heures du matin. Après tout, on aurait pu rester sur les pentes à la belle étoile, ou dans ce petit restaurant aux lampions à diner sur une péniche pour la première fois de ma vie. Perdre du temps avec toi pour les autres, tous ces autres qui ne m’intéressent pas. Je voulais juste un peu de partage, échanger quelque chose. Autre chose. J'ai fini par vider mon amertume sur un unijambiste à la sortie de la gare. Il y a cette soif étrange de parler à quelqu'un dans certains regards d'inconnus. Je finis par plus souvent parler aux étrangers qu'aux familiers.

Au final je suis déjà partie, que ce soit maintenant ou dans quelques mois, je me suis déjà en allée de là. Sortie de l'aliénation quotidienne et de mon cercle intime, ma forme n'est qu'anonyme.

La solitude rapproche, m'a dit l'unijambiste à la station Part Dieu. Nous nous sommes assis dans le métro. J'apprenais que Lyon est la capitale des prothèses articulées, que tout ça, les accidents comme les week-end ratés pour certains c'est mektoub. Mais là j'ai du mal à entendre: ma chaussure est cassée, ma carte bleue aussi,  mon kébab est volé, puis elle repart dans sa coquille de métal bleu métallisé. Reste quelques ganglions douloureux près des oreilles et dans la gorge. Je poursuis maladroitement le train, un pied à demi-nu, j'ai presque espoir qu'il revienne. Qu'il s'excuse de dérober sous mes yeux ce que j'ai de plus précieux.

Reste le bruit de la sirène en tête quand les portes se clipsent. Tel  un cœur-engin, plus le train s'en va plus il déplie cette corde rouge en moi, la pelote de chair. Au final ça tire et ça fait mal au kilomètre près, dès que  sans moteur et pleine d'un vide avide, je reste sur le quais.

Abroad

20 juin 2011 Comments Off

Côte sauvage, juin 2011

Mettre en abyme ces heures où je suis un hors-moi continuel. Il faut continuer à avancer sur cette jetée plus dangereuse que le Trou de l'enfer, et ces paysages de désolation le long de la vallée. Ne garder que ces enchevêtrements de sable à sable où l'on se bat contre le temps. Je griffe ta peau, dans les draps nous sommes deux poissons fous d'amour. Je veux cette violence toute contenue en moi qui m'assaillit et me dévore, je la veux au dehors. Je finis par passer contre toi des nuits longues et paisibles à humer cette odeur d'enfant et de douceur qui m’enivre et me rassure, m'accompagne jusqu'au lit de l'autre coté du pays.

Paris mon escale est crépusculaire à vingt-deux heures. Jaillissant d'un train je cours à perte haleine vers un autre TGV. Bientôt viendra le temps des avions, des aéroports où l'on se quittera. Et puis plusieurs mois froids. Je pensais passer l'été à attendre qu'il se finisse, et voilà que l'automne apparait aussi comme une écharde que j'aurais hâte d'ôter. Une balafre de plus, des mois supplémentaires. De l'autre coté de la mer je me consume mollement jusqu'à m'éteindre à deux genoux. Dans cette ville fauve et suffocante. L'espoir de fuite s'amenuise, il faut aménager la peine, travailler encore elle rêve de vacances.

Partagée entre l'envie de me murer en toi et la nécessité de construire une existence qui peine à trouver un sens au solitaire. Partagée entre le désir de descendre du train, de courir sur le quai et de te rattraper, de m'enfouir entre ton cou et ton col. Laisser mon sac partir à Paris Montparnasse, et avec lui ce sentiment insupportable de vivre une vie incomplète. Rentrer avec toi et nous retrouver à Trentemoult à manger la pêche du jour avant un verre au hangar à bananes. Je rêve d'union et de solitude à la fois. C'est un des privilèges de la jeunesse, de vouloir se marier avec la terre entière et de désirer découvrir le monde entier.

Le baiser Modiano

16 juin 2011 Comments Off

Caresser en pensée ce fond de coquillage, mettre la mer dans mes oreilles, me laisser porter dans le sable m'enfouir avec les algues m'enrouler de l'écume, devenir vague en vas et viens, le long d'une plage m'échouer doucement. Fermer les yeux sur ce morceau de soleil, faire de ces jours gris des tessons de lumière. Il s'agit d'oublier que je suis au fond d'un train immobilisé sous la pluie depuis dix-sept heures. Une fumée noire s'épanche entre deux rails que l'eau ne semble pas atténuer. Je sombre doucement dans le coma habituel dans un coin de compartiment. 

Le paysage est une tranchée de remblais où poussent des fleurs sauvages entre les pierres, une claustrophobie latente sème son petit chemin entre les wagons. Moi je m'en fous, j'ai mon laisser passer pour le bonheur demain. Les gares se succèdent et j'attends de t'attendre. Il est vingt-deux heures sur Lyon la nuit tombe doucement, on accoste le long du quai B, je suis sur le pont supérieur. Je prends le fauteuil duplex bas coté fenêtre pour pouvoir découvrir ta silhouette au loin sur le rebord. Ne pas rater une seule seconde de toi.

1976

15 juin 2011 Comments Off

Au fond de ma coquille de métal gris Alsthom 1976, je me souviens d'un soir d'hiver au milieu de la Guillotière, les pieds sur la chaussée au milieu d'une rue, on s'embrassait comme si le vent qui soufflait allait nous emporter de part et d'autre du ciel. A Grenoble, les amoureux roulent sur des petits chemins abrupts aux virages mortels pour finir en haut de la Chartreuse en pleine nuit, de là on voit la vallée de l'Isère illuminée jusqu'aux stations, petits lampions de chalets grimpants. Nous fumons et buvons des cocktails brésiliens en écoutant les rires des voisins qui mangent au restaurant panoramique, moi et quelques inconnus. Les gens sont collés deux par deux est-ce que c'est normal. Est-ce que c'est normal que moi je te regrette toujours quand les paysages sont si simplement beaux.

Dans le campus fantôme de Saint-Martin, les élèves ont déserté pour faire l'amour dans l'herbe et trainer dans les cafés. Il reste quelques femmes de ménages et des peintres essayant d'effacer quelques tags grotesques dans les amphithéâtres en ruine. J'erre comme je voguais mollement dans le vieux quartier nantais il y a quelques jours, le long des remparts du château de la Duchesse Anne. Et dans cette maison le long de l'Erdre où j'avais presque pris naturellement mes quartiers. Mais la vie semble être cette série de passages et de contemplation où rien ne se fixe jamais, où pour l'instant il faut attendre. Embouteillage sans fin de jours, d'horaires, je ne sais plus où se trouve le départ ni ou est le retour. 

Aujourd'hui au revoir le havre de paix de Lyon 6ème, qui n'était plus qu'un point d'eau ponctuel ces derniers moments. Reste un léger pincement, un dernier regard sur la petite cuisine bar, le parquet du salon. Fermer la porte sur les plus doux instants.

Coquille grise, Alsthom 76, et mes nouveaux amis. Une belge athlétique qui dors à poings fermés en souriant, et puis il y a Nabil qui me fait travailler l'anglais dans le jardin de ville à Grenoble, un café pris avec Hicham quand on était tous les deux perdus à Saint-Pierre-des-Corps, une bière avec François avant son train pour la Suisse à presque minuit dans Paris, quelques canadiennes qui viennent visiter La Baule quand moi je pleure sur mon verre d'eau. Cet inconnu un soir qui m'a donné cinq euros pour m'acheter un sandwich à Massy TGV, ces sourires, fugaces liens entre quelques rails. De retour au fond de l'anonyme lit d'un hôtel, d'un canapé, d'une chambre à nouveau remplie de mes affaires sans que je me sente ni chez moi ni en voyage, que reste-il. 

Il reste un message de Nabil pour savoir comment s'est passé l'anglais. Dehors, le soleil est haut, l'été arrive comme une échéance, une fin de ligne. Je lui ai dit tu sais cette année était terne, les plus beaux jours c'étaient ces échappées belles, et c'est triste de vivre par des photos et des instants volés. Je veux m'en aller, maintenant, s'il te plait. L'été arrive, elle, elle s'en va encore plus loin. Est-ce que je dois partir aussi ailleurs pour ne pas attendre à ce qu'on me fasse une place. Peut-être qu'il n'y a pas de porte à ouvrir, il n'y a pas de chez-nous, il n'y a que ces billets de trains entre nous, ces images d'océan, jolis jours. Sous l'abat-jour de mon Alsthom 1976 sans prises de courant, je pleure et on dirait qu'il pleut là sur Bourgoin-Jallieu.

French Riviera

30 mai 2011 Comments Off

La Baule, mai 2011


Tout est doux tout d'un coup tout s'arrête.
Rien que le bruit des vagues. 

La Solitudine fra noi

25 mai 2011 Comments Off

Dans ce monstre métallique au ventre climatisé qui m'emporte entre deux vallées. Je dors roulée en boule sur la banquette de l'ancien train couchette, je dors jusque Voiron, j'ôte mes chaussures délicatement et je met mon sac en coussin. Je dors sur mon café à neuf heures zéro zéro la tête sur mes mots croisés, je dors quand on passe les balcons donnant sur les rails. Je dors dans le tramway gris jusque Grand Place, je dors dans la chaleur de l'été arrivant. Les heures paraissent tomber en goutte à goutte jusqu'à s'abîmer dans le noir. Une perfusion de rien arrive jusqu'à mes veines et me vide pourtant inlassablement de ma substance.

Il n'y a plus rien que le silence et les sirènes des secours voguant entre les rues illuminées à travers les stores à demi fermés. Le vide abrupte de l'appartement respire la solitude entre quelques livres et des paquets de pâtes. On ne peut pas vivre comme ça sans voir personne quand je n'ai même plus mes yeux cette nuit pour te regarder, jusqu'à m'écrouler de sommeil à te dévisager. Mais non aucun humain, aucun être aimé.

Je passe mes soirées dans un bain à chercher le vrai sens de la vie en écoutant le lent blabla de France Inter jusqu'au petit matin. Ne vas tu pas frapper à ma porte. Les voisins font la fête et dans ma morne morgue, j'irais bien rejoindre âme qui vive, fusse-t-elle ivre et décomposée entre deux canapés. Je finis devant Lucia di Lamermoor et le lac des cygnes qui passent sur Arte, la télévision posée sur le parquet entre deux cartons pâte. Attends moi mon amour. Je rêve que je marche à l'infini qu'il n'y a jamais de fin à cette randonnée absurde. Attends moi mon amour.







Premières neiges

24 mai 2011 Comments Off

Un regard sur un ciel étoilé. Villeurbanne dernier écueil, et quelques larmes sur le rebord de l'escalier, mélange sourd de derniers moments où je suis déjà partie, sans savoir où vraiment. Un fil pend à ma bouche, mes yeux, mes cheveux : je me rends compte que je suis tissée de quelqu'un d'autre. Je n'ai pas été libre et sans attaches suffisamment longtemps hormis cette expulsion soudaine d'un embryon de moi-même en une fin d'automne. 

Mes petits bras pendaient dans les escaliers gris, ma tête roulait contre un tapis, au bord d'un seuil contre la porte en bois. Naissance abrupte dans le noir. C'était un moment où l'on ne m'ouvrait pas, moi aussi je m'étais fermée. Les vers restaient à l'intérieur, me pourrissaient de jour en jour, je me dévisageais dans cette salle d'eau minuscule et sale, oh je l'avais récurée de bas en haut, frottant pour effacer toute trace de bataille, je l'avais nettoyée comme jamais cette petite pièce de morsure quotidienne. L'odeur de la javel et de la soude je l'ai encore à l'estomac quand je vomis je pense encore à ça.

Je ne sais pas quand est-ce que j'ai perdu la faculté d'être seule. Quand j'avais dix-sept ans mon cœur était déambulatoire et rêveur, les autres étaient ces étrangers à connaitre et ce plaisir honteux qu'il fallait partager, à tout prix tout donner. Quand est-ce que tout ça à déserté? Je me souviens de R. si amoureux sur la plage, de mon corps flottant dans la mer, se sentant juste abandonné, insensible au désir et à son insubmersible envie de me protéger de ceux qui me voulaient du mal. Parfois je cherche en arrière ce moment où le fil s'est noué où il n'a plus été possible de revenir en arrière. Est-ce que c'est quand j'ai enlacé ce tramway nommé mourir à toute allure de la Place Carnot aux pentes, est-ce que c'est quand cet inconnu touchait mes sous vêtements tous neufs dans une voiture en face de la Manufacture. Quand est-ce que la confiance a déserté? Je me sentais invincible à un moment, personne ne pouvait m'attaquer. Est-ce que c'est quand j'attendais, au café La Gargouille entre deux plantes vertes, moi en fleur inutile. Un jour j'ai attendu dans la neige, des heures, j'ai fait du vélo pieds nus dans l'hiver glacé, j'ai bravé tous les autres, j'ai attendu plusieurs nuits dans des cages d'escaliers, j'ai même prié. A force d'attendre quelque part, je me suis fanée.

A un moment, j'ai refleuris ailleurs, surement mille fois plus mais sans maturité. J'aime comme on aime enfant, de là à tout donner, de manière exclusive, et inconsidérée. Hormis l'amour, rien ne parait valoir la peine d'être protégé.

Where I needed to be.

19 mai 2011 Comments Off


Nantes, un dimanche de mai

Le long des bords de l'Erdre, pâle dimanche de mai. Une seule phrase flotte dans ma tête quand elle est contre toi. Au fond de la verdure des canoe kayak font des sportifs vas et viens et les petits enfants encore emmitouflés se faufilent entre les arbres autours d'adultes en pull marin un peu blasés. Le ciel est bas comme en Ecosse et dans ce jour chômé et à la fois férié, seuls les trains semblent encore fonctionner. Mais pour l'instant ma main est dans la tienne et l'on se balade en faisant semblant d'oublier que dans quelques heures je serai à nouveau sur le quais. Les étreintes peuvent attendre, le vent souffle délicatement entre les feuilles il ne pleut presque pas. Je pourrais rester je me vois déjà faire cuire des petits poissons dans cette cuisine blanche, monter et  redescendre l'escalier de bois avec mes talons, oublier mon maillot dans la salle de bain, faire du vélo le long de l'Erdre. Et cette phrase qui ne me quitte pas, qui siffle à mes oreilles :

I may not have gone where I intended to go, but I think I have ended up where I needed to be. 
(Douglas Adams).

A quelques centaines de kilomètres de là, diagonale brutale : j'ouvre les yeux ce rêve récurrent où je perds des dents, il y a un trou sombre entre les Montagnes comme un sourire en coin, le paradis est loin ici l'eau est un caprice alpin glacé malgré une chaleur suffocante qui me rend accablée. Plus de quoi prendre un café, parfois plus de quoi manger, une fierté déplacée m’empêche de prendre un téléphone et de faire l'aumône à mon père coincé dans son désert, de faire l'aumône à ma mère entre deux géraniums de banlieue. Je fais l'inventaire de l'appartement : il n'y a plus rien à vendre si c n'est l'ordinateur, des livres, mon corps et l'imprimante HP. Le futur parait aussi être un grand trou noir, plein de possibilités immatérielles et de frontières à traverser. Quand je ne sais pas vraiment où j'ai l'intention d'aller, mais que je sais si bien où j'ai besoin d'arriver. 

Silence gare Montparnasse

16 mai 2011 Comments Off

Barcelona as Paris. january 2011

Le week end est fait de milliers de couloirs, milliard de marches d'escalier, labyrinthes de solitudes où je serre ta main. A peine retrouvée voici le futur, conditionnel étrange de vies rêvées à la terrasse d'un bar à vin rue Daguerre à Denfert Rochereau. Passé antérieur qui nous revient d'un coup dans l'appartement bobo de la rue Montreuil où nous passions un week end de juin sous un soleil de plomb. Je te quitte à la gare Montparnasse, c'est peut être la seule chose que j'aime dans Paris, ces enchevêtrements immense de métal, stigmates de voyages avortés, d'amoureux sur les quais, de vacances, d'on s'en va. Pour l'instant c'est moi qui pleure sur le quai n°2. Je n'ai pas envie de rester, je dis, mais je ne veux pas rentrer sans toi. Le train fini quand même par s'évader, l'appel de la montre, et quand tu fuis vers l'océan, moi je reviens aux montagnes, Gare de Lyon la nuit.

Ton visage par la vitre de la voiture 19 salle basse coté fenêtre me reste dans la tête, image insubmersible de tes traits d'ange farouche, libre de tout, tellement gardien. Je me souviens de tes yeux d'eau froide dans lequel je m'immerge d'un coup, c'est à la fois douloureux et quasi extatique. Dès que je plonge c'est le silence le plus paradisiaque. Les trains peuvent vrombir, la gare peut imploser moi je suis dans ce silence souverain qui s'impose, naturellement.

De retour à Lyon, si paisible est la place Lyautey, les joueurs de pétanque sont endormis, la ville est si différente de Paris et ses paranoïas, ses foules denses qui agressent. Lyon et un morceau de ton silence, ramené avec moi.

L'heureuse

9 mai 2011 Comments Off

Le long de la Côte d'amour des étendues de sable s'étendent entre la Baule et Saint Nazaire, c'est l'embouchure de la Loire. Nous survolons les chantiers navals, et nous dormons sur plusieurs plages. Les week end ont l'odeur de l'iode à plein poumons et celle de sa peau. L'odeur qui me dit que je suis ici comme nulle part ailleurs, à l'heure heureuse exactement. Les quais de gare nous retrouvent sans jamais nous perdre, mon existence est un train surpuissant on peut bien me voler mon sac, me casser mes chaussures, me donner des avertissements, me dire de ne pas partir de rester là à bien mourir, je m'en fous moi je t'aime, et la vie est ailleurs. Je parcours sept cent kilomètres, je ne suis pas matérialiste, je peux bien avoir mes biens disséminés, vivre sans micro onde, sans canapé, je suis où est mon cœur.

La route de la soie

20 avril 2011 Comments Off

 Tunisie - Salt lake

Hors champs deux heures du matin
L'eau et le ciel entremêlé comme à Monterrey Bay
Je rêve d'un TGV classe hors pair
Il file à dix mille kilomètres heures au dessus de la mer

Hors champs six heures du matin 
Murs blancs, lumière crue sur les draps, lampadaire de la rue.
Le quotidien qui débute a une saveur étrange
De communications coupées, de tunnels, d'arrêts en voie, de retards intempestifs, de réseau saturé, infinis couloirs, foule hostile, batteries déchargées, escalators bondés,
Non partage. Absence.

Semper Virens

12 avril 2011 Comments Off

Grenoble-Nantes


Passer des Alpes à l'océan, prendre l'avion
Descendre à flanc de falaise Sainte-Marie-sur-mer en talons
Plonger dans l'Atlantique à 13 degrés

Puis le vent chaud sur ma peau brûlée.
La maison borde l'Erdre, c'est l'odeur des vacances, c'est un paradis vert où l'on court dans la brise on fait du canoë, des piques-niques et où l'on marche à pied. Les quais sont faits d'herbes où s'allonger, les maisons ont des terrasses blanches où l'on s'imagine déjà petit-déjeuner. Grenoble st loin, l'avion m'emporte à bras le corps à l'autre bout. D'un coup il est quinze heures à Nantes, quartier Foch-Cathédrale. Sémantique habituelle Foch femme fatale.

Je me retrouve à prendre un verre près de la Préfecture, bâtiment solennel et à la fois doucement provincial, Les stations de tramway ont des noms de nobles oubliés, et il y assez de parcs pour tous les week-ends de l'année. J'aimerais qu'on s'y installe tout de suite, qu'on découvre la meilleure crêperie, et tout l'arrière pays, Une vie à refaire. Loin des paysages industriels qui défilent sur la ligne Lyon-Saint Étienne-Le Puy, loin des montagnes de l'Isère, de cette ville si inhospitalière où je suis toujours en quête d'un endroit pour dormir, où l'on dirait que le bonheur me tourne le dos, loin de Lyon désertée.

Pourtant les fontaines sont toujours belles, et les terrasses toujours animées sur le Rhône illuminé, les collines sont celles d'une ville antique démantelée par le temps, l'amphithéâtre est plein, je repense à cette vie antérieure vers Lyon 8ème le quartier des Etats Unis et ses murs peints. Presque tout le monde est parti.

Moi-même entre deux trains, je vois Lyon au lever de soleil, et à son crépuscule, mon corps subsiste ici en pleine gare: Part-Dieu vide au petit matin, plongée dans le noir un dimanche à minuit,  bondée le vendredi soir quand les enfants repartent à Saint-Étienne, les veilles de jours fériés avec ces vacanciers pour Montpellier et Marseille Saint Charles. Le mercredi à sept heures et demi, le café noir au pub, de la gare de Grenoble. Et puis le train de 9h07 arrivée Givors-Ville en face mon chantier et de ce plein soleil. Mon corps dans toutes les gares.Ailleurs mon cœur, le tout perdu entre deux rails.


Sa chambre ressemble à un hôtel de vacance, les oiseaux chantent juste au réveil, je n'en crois pas mes oreilles. Le jardin est envahi d'herbes folles c'est Brocéliande, la forêt hercynienne. Le temps est arrêté et tout est primitif. Je baigne dans l'Atlantique entre quelques rochers, il n'y a que l'horizon et l'eau froide, le goût des marais salants. L'odeur, toi sur ma bouche. La chaleur du printemps juste naissant dans le Château des Ducs de Bretagne. Il peut pleuvoir si je suis dans tes bras, sur ces petits bateaux le long de la Loire, sur ces jardins le long des quais, l'Ile de Versailles. J'aimerais qu'on s'y installe tout de suite, ici comme ailleurs ou plus au Nord, tisser la vie heureuse, j'aimerais  t'apprivoiser mieux qu'entre deux panneaux gris deux horaires. Que tout soit encore vert, qu'il pleuve contre ton corps, qu'à l'horizon de la côte de Jade, Pornic et ses falaises, le petit port de plaisance, le caramel beurre salé, les algues vertes, les petits poissons doux, soient ce  Semper virens, racines de bonheur, jusque dans cet express régional pressé.
8765, Saint Étienne Chateaucreux, Rive de Gier.

When I'm around you

4 avril 2011 Comments Off

Nous jusque l'océan.
La mer, 2009.

Joie de Vivre

2 avril 2011 Comments Off

 

Côte d'Opale, le Touquet - août 2010

516 km à vol d'oiseau

25 mars 2011 Comments Off


Boulogne-sur-mer, août 2010



Peut m'importe l'heure, mes ailes partent avec toi

はかない

17 mars 2011 Comments Off

Hakanai : 
"ce qui est fragile, évanescent, transitoire"
"entre le rêve et la réalité"

Arrêt total sur écran noir. Ne plus rien faire que de sentir le temps qui passe petit passage à vide, clouté sur Paris et d'autres villes, le nord et ses lumières, son froid qui mord, son mystère. Entre drogues douces et musées de peintures, Amsterdam, Delft; dernier arrêt avant le tourbillon. Avant que tout ne devienne que des adieux sur quais de gare, retrouvailles aéroportuaires, bagages, âme-valise.
  
Bloquée devant le petit écran matinal, dans un capharnaüm de toi et moi, amoncellement de restes de pizza, de puzzle, d'ours en peluche, d'affaires de foot, de bières belges, de saumon fumé, de médicaments, de post-it amoureux, de romans. De papier kraft, de livraisons du japonais, de bouteilles de Champagne, de jus de fraise, de sous-vêtements éparpillés, bougies rouges, Doc noires, verres à Mojitos vides, capotes. Inventaire d'existences mêlées où le bonheur est la source, le départ, l'arrivée, le train de toutes les gares. 

Plusieurs semaines se suivent au fond du canapé, je fini par devenir aussi un objet, glissant entre les couvertures, décoratif, parfois attendrissant parfois affriolant. L'enfance me rattrape, ou je n'ai pas grandi. Pourtant tous ces matins je rêve que je suis enceinte et que plus rien ne compte hormis ce qui se forme à l'intérieur. Savoir que je suis à cette finalité en entier, aimer et seulement aimer.

Interlude

14 mars 2011 Comments Off


Pluies sur la rue de Rivoli, Paris

Introduction à la poésie française

5 février 2011 Comments Off


Le quotidien nous tire de part et d'autre des côté de la mer humaine
On vogue dans le métro, les trains, comme un radeau qui nous éloigne de là où nous étions 
Tant insulaires aux autres

Home

21 janvier 2011 Comments Off

Barcelona - fin décembre


Home is wherever I'm with you.

Dévolution du Jasmin

20 janvier 2011 Comments Off

C'était avant que tu ne sortes ta tête aux cheveux drus et noirs dans l'encadré de la porte en métal bosselé pour me dire au revoir. Avant que les foulards de Mima ne se partagent entre les héritières, avant qu'un de ces bouts de tissus s'introduise au cœur d'une pile de t-shirts Zara, avant que le nylon plastique ne remplace les senteurs d'épices et de Cologne, de vent de steppe, de thé en vrac. J'avais refusé les bijoux, eux n'avaient pas d'odeur. Je trouvais qu'un fragment de personne restait dans son parfum, comme quand ma mère partira restera le Lancôme dans la petite salle de bain. 

Nous sommes aux cœur d'une dévolution: non contents de faire semblant de changer en tournant sur nous-mêmes, nous dispersons des biens et des personnes dans un autre système qui les avale. Restent de petits os de poulets maigres qu'on ne digère jamais, les odeurs s'en vont avec la disparition de celui qui s'en souvenait. Peut-être qu'elle avaient disparues à l'instant où l'ensemble du monde qui leur était associé s'était progressivement effacé. Peut-être qu'au contraire, elles étaient restées vivaces, stigmates de nuits et de journées pour un ou des milliers. Et à leurs retrouvailles fortuites_ juste un brin de bruyère, la pluie dans le verger_ nait juste au bord de l'œil cette espèce de douleur distincte.

Je me souviens du jasmin. C'est une fleur qui ne pousse pas à Khalsa ni sur les plateaux du haut Tell, entre Makhtar et El Kef, s'épanouissent figuiers de Barbarie, pavots, plantes fourragères au bord d'oued taris. L'été est aride et inhospitalier, le reste du temps le monde est un tapis de rouge et vert, coquelicots, herbacées. Il n'y a que des forêts de pinèdes et des oliviers, des champs de fossiles parce qu'autrefois c'était la mer. Le coquelicot est une fleur qui fane vite et on ne la cueille pas. Dans le langage des fleurs elle signifie l'ardeur fragile, elle correspond à cette énergie dépensée par les humains pour cultiver la terre, croire qu'on peut lui apprendre quelque chose quand c'est nous tous entiers qui sommes soumis à elle. Quand il ne pleut pas on s'inquiète, on attend des jours durant. 

Au fond des galeries Lafayette de Lyon quelqu'un dit à sa fille: il ne pleut toujours pas. Elle essaie des chaussures, là bas, la récolte est déjà ruinée. La Tunisie est une terre d'attente depuis que je l'ai connue. A toutes les saisons il n'y a rien d'autre à faire que de contempler l'Histoire des autres, de se rattacher à d'autres espaces symboliques par le téléviseur. Les émirats, les télénovelas et les clips libanais. Et juste au seuil de la porte, le rythme des moutons qu'on sort au matin et rapatrie le soir.

Le jasmin est dans la capitale et ce pourtour artificiel de baies entre Tunis et Hammamet, le cap Bon. Quand on rentrait la nuit par les anciens quartiers français, il débordait des propriétés, et ce parfum entre les grilles se mêlait à celui de l'arrivée de la pluie contre le bitume. Il y avait aussi le jasmin vendu sur les bords des cafés occidentalisés à Sidi Bou Said, petits paquets celés de lins. Il y avait aussi le jasmin d'argent  au bourgeons noirs parfumés de myrrhe que K. m'avait offert en me voyant déjà sa femme au fond d'un bidonville. 

On a jamais vu de jasmin à Khalsa, comme on a jamais ni l'eau courante non plus. Il y a bien des lacs, mais l'eau on la détourne et puis on l'achemine dans des gros tuyaux gris jusqu'aux piscines lagon des bords des hotels resorts tels que le Golden Yasmin et le Abu Nawas de l'avenue Bourguiba. Avec mon oncle Adel on longeait les tuyaux dans son semi remorque sans fenêtres, et je cherchais un moyen d'inverser le cours de l'eau pour qu'elle nous revienne. Et pour que nous n'ayons plus à chercher l'eau dans le puits, à la stocker dans les bidons bleus, à la stocker dans la grosse citerne rouillée, à la chauffer sur la gazinière. 
On a jamais vu de jasmin ni d'espoir à Khalsa. On se contente de regarder le soleil qui s'épanouit.


واحد

Un jour Monssef tu m'as amené à Kairouan. Tu avais les bêtes et les champs à t'occuper mais tu as quand même pris cette journée pour m'emmener, comme le soir au crépuscule tu revenais je me jetais dans tes bras pour qu'on aille chercher des glaces au Sers, cet espèce de ville plate et désertique où il n'y a que des marchés au bétail et des garages auto. Tu as cet air bourru et un peu triste, peut être que c'est parce que tout le monde te considère comme un raté, peut être parce que la belle fille de l'autre village, personne ne t'a laissé l'épouser. Ton passe temps préféré avec les filles et moi c'est te moquer de nous en riant, de nous pincer et de me dire que je suis toute noire même si ta peau elle est brûlée par le soleil. Le jour où on est allé à Kairouan, le siroco était si fort que nous étions fouettés par le sable et la chaleur insupportable. On a fini sur le bord d'une route dans ce petit restaurants de méchouis climatisé, et l'on est rentrés le soir par les plateaux. 

Les nuages commençaient à s'agréger et à descendre, les champs devenaient bleus d'une lueur étrange et la poussière brumeuse. Tu chantais, et tu paraissais joyeux. Tu avais peur que je sois déçue et moi j'étais émerveillée par les mouvements du paysages. Tu me disais de ne pas mettre mes écouteurs, de ne pas garder ce bruit électronique dans mes oreilles alors que tu étais là, juste à côté, que bientôt j'allais partir. Et nous n'avions jamais fait de voyage ensemble tel qu'une journée à Kairouan. C'est ça que tu essayais de me dire. Que hormis le trajet entre Tunis et Khalsa sur 400km de pistes pas toujours bétonnées où tu conduisais vite en pleine nuit, nous n'avions jamais voyagé. 

Tu m'as souvent parlé de ma mère. Personne d'autre ici n'a ce regard aussi aimant quand il parle d'elle. Tu ne m'as jamais demandé de quoi est faite ma vie. Tu pensais que l'instant était plus important: partager la viande au restaurant, m'acheter des pellicules pour prendre en photo les murailles et les souks, faire ce tourisme factice qui ne m'a jamais rendue tunisienne. Me demander quelle glace je veux sur le panneau, me donner cinq cent millimes ou un dinar. Me rendre heureuse quelques semaines. Tu ne m'as jamais parlé de mon père. Qui est ce frère absent? Est-il devenu cet inconnu sanguin qui revient comme une marée de temps en temps, peut-il être ton frère sans enfance commune, sans quotidien collectif. Est-ce que quelqu'un ici le connait vraiment. Lui en veut-on juste d'avoir suivi le vent. 


à la douceur de la peau

10 janvier 2011 Comments Off


la douleur de quelques exils.

S'unir à soi

3 janvier 2011 Comments Off

Barcelone en janvier

 
C'est au fond du Bari Gotic, assise
En face des jambons, des petites faïences
Au son des verres pleins de bruit de bonheur

Ce n'est pas pour ce millésime sublime, ni l'autre qui arrive
Ni le momentané
Ni ce que j'aime à l'instant qui sait bien moins après
Toi je t'épouse là sur le Xampanyet
Dans cette ville où l'on dirait qu'il y a toujours une fête