Tristes printemps.

15 avril 2010 Comments Off

Lyon est étalée sous la lumière, corps urbain multiforme et mouvant de l'aube au crépuscule.
Sur le jardin des pentes, quand elle disait qu'elle aussi elle avait des souvenirs, je me suis demandé si c'était aussi ce genre terrible qui surgi de l'oubli et terni parfois mes rêves, mes nuits.

Ce soir là entre les pruniers sans fleurs et le grand escalier, il ne restait pas grand chose de moi.
J'étais pieds nus sur le bitume, c'était froid au final, l'été avait déserté ce morceau de planète jusqu'au bout de mes doigts. Sur la peau, cette sueur salée qui rappelle l'os nu de l'animal mort sur le coté des départementales, sauf que nous n'étions pas en vacance, que j'étais encore humaine et que cette voiture à folle vitesse qui me roulait dessus, elle faisait des aller-retours de la carotide à la nuque, en silence. Toujours en silence.
Je n'étais pas morte non plus, la vie elle criait de partout dans le sang, je la hurlais de partout parce que cette existence de dégoût et de noirceur, je l'avais déjà vécue toute seule et que non, moi j'étais pas si terrible. Je voulais juste cesser d'être cette personne qui disparait dans l'horizon. Je n'avais pas survécu à des accidents plus intimes pour être brisée à nouveau. Entre toi et ma main dans ma gorge, rien à voir: au final, il n'y a personne qui a su me faire du mal comme je me suis défaite moi-même. Là où tu m'as appris le dégoût et cette conjugaison du Nous si malsaine dans son esclavagisme, j'en ai tiré le bonheur d'être libre et de m'aimer d'abord. Là où tu m'as transmis l'angoisse du soir qui tombe, et les matins sinistres j'en ai gardé le bonheur du lever de soleil sur cette terre qui se renouvelle. Là où tu m'as enseigné le goût de l'égoïsme à dix-huit ans et les ravages de l'alcoolisme à dix-neuf, j'en ai retenu la ferme conviction qu'en effet, mes vingt ans ne sont pas inoubliables.

Je n'avais pas besoin de réapprendre le bonheur ou de me retrouver: sous ces quelques années noires, je savais bien que je refleurirai. La joie de vivre, elle m'a portée quand je me suis confrontée au miroir, quand j'ai gagné la bataille contre ce moi terrible. Personne ne pouvait m'anéantir, encore moins toi qui, une fois le voile ôté, parait juste malade, emprisonnée. En novembre, bien sur que j'ai mangé, j'ai dévoré la vie même, le soir qui tombait ne m'arrêtait pas, j'étais si bien avec moi-même, peu de biens matériels n'avaient d'importance. Quelques vêtements, une brosse à dent et je dormais sous toutes les villes, toutes les étoiles, bercée par mes poignets tous nus et mes jambes qui pouvaient courir jusqu'à n'importe quel rivage. Je n'avais pas besoin des autres, mes amis étaient là. Nul besoin de souffrir, plus je pansais mes plaies plus ça faisait sourire: elles ne reviendraient plus. Même la croix sur mon ventre, elle est partie. Le reste est dans ma mémoire et si je veux l'écrire, c'est parce que je me souviens de l'unique printemps triste de mon existence.

On est sur l'esplanade au dessus du jardin des pentes et je me souviens. Et Elle, ses cheveux doux sur mes cuisses, ses yeux d'un bleu si beau, son sourire flottant, elle n'est pas parfaite non plus, mais je ne ressens que le bonheur de savoir être heureuse avec moi-même et de l'aimer comme je m'aime, comme j'ai toujours aimé, de manière inconditionnelle.

Et sur le jardin quoique je pense, quelque soit le souvenir qui vaut la peine de se taire,
Je ne me suis jamais sentie à la fois paisible et passionnée aussi longtemps.
Mon apprentissage du bonheur, si simple et si intense, personne n'avait su le faire,
Personne ne m'avait donné de si belles heures en si peu de temps.

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