Rue des idéalistes

23 janvier 2010 Comments Off

Mon corps est un ancien charnier transformé en roseraie, en serre de fleurs d'hiver: hellébores et perces neige à mes jambes, enroulés. Comme nous sommes emmêlées toi et moi dans ces matins, à la fois éternelles et recomposées. Emmêlées et enfouies.

Nous nous sommes données rendez vous à quatre heures et demi du matin, la nuit était glaciale et inhospitalière mais un petit feu brûle toujours en moi. J'ai laissé les yeux égarés de Johanna perdus dans l'air vicié de son petit studio pour une bouffée de silence abyssal: Lyon, grande blonde bourgeoise à demi nue et demi endormie. Un immense arbre en fleurs plastifiées trône place Antonin Poncet, nous luisons tous les deux dans l'obscurité.

Nous taguons l'absurdité douce de l'amour dans la rue Sainte Polycarpe, et je me moque d'être emmenée au poste, si c'est avec toi. Je me fous des heures longues au pied du mur, il n'y a plus de remparts au monde ni à la société: je nous appartiens, le reste n'est à personne.

Elle me regarde dans la rue en essayant de deviner ce que mes yeux cherchent dans ce ciel étonnement crépusculaire, mais j'essaie seulement de comprendre quelle est cette magie en toi qui me rend juste illuminée, qui illumine mon monde à moi. Je sens alors que le printemps et l'été se feront avec toi, la certitude m'emplit d'une joie tremblante et angoissée. Le risque est plus éloquent que mes mots sobres que tu ne liras pas, mes aveux cachés dans l'électronique, mes demis-mots pourtant pleinement pensés. Puis Place Saint Jean, nous cherchons vainement un café à cinq heure du matin, et sur le pont, dans ce vent qui nous rendra malade, au milieu du pont, ton baiser, alors le froid est pour plus tard.

Nous sommes montées jusqu'à Fourvière à l'aube, la ville était plongée dans la brume si bien qu'aucun lever de soleil à l'horizon ne perçait les nuages. Sous tes lèvres, le ciel s'éclaircissait sans astre, aurore abrupte et indéfinissable, comme ce coup de talon au ventre que tu me donnes: dès que mes yeux croisent les tiens, après l'absence à sentir tes vêtements, après l'orgasme à fixer ta bouche, remonter l'œil, subrepticement, jusqu'aux autres antres ourlées.

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