Archive for janvier 2010

Désincarcération

28 janvier 2010 Comments Off

Dans la cour de béton des années quatre-vingts de l'École nationale des travaux publics. il était quatre heures du matin et tu faisais un beau tableau avec le grand blond à polo rose et le barbu qui fume tellement qu'il ne mange plus. Une auréole se baladait négligemment au dessus de ton crâne, et j'aurais eu beau la tordre avec ma main, pas moyen: aucune apocalypse n'aura raison de nous.

Après avoir essayé l'ensemble de la carte de l'open bar nous comatons délicatement mon corps et moi vautrés au milieu du corporatisme, entre-soi dont je ne fais pas partie mais peu importe je suis arrimée à toi, caméléon étrange en satin et en soie. Au fil des semaines, la carapace est partie, je ne suis plus cette tortue poussive et sans appétit. De toutes ces sectes aucune n'aura ma peau si ce n'est celle du bonheur.

24 janvier 2010 Comments Off

"Je ne nous laisserai pas devenir moins folles"

La folie n'est rien c'est juste de l'amour.
Je ne nous laisserai pas, tout court.

Rue des idéalistes

23 janvier 2010 Comments Off

Mon corps est un ancien charnier transformé en roseraie, en serre de fleurs d'hiver: hellébores et perces neige à mes jambes, enroulés. Comme nous sommes emmêlées toi et moi dans ces matins, à la fois éternelles et recomposées. Emmêlées et enfouies.

Nous nous sommes données rendez vous à quatre heures et demi du matin, la nuit était glaciale et inhospitalière mais un petit feu brûle toujours en moi. J'ai laissé les yeux égarés de Johanna perdus dans l'air vicié de son petit studio pour une bouffée de silence abyssal: Lyon, grande blonde bourgeoise à demi nue et demi endormie. Un immense arbre en fleurs plastifiées trône place Antonin Poncet, nous luisons tous les deux dans l'obscurité.

Nous taguons l'absurdité douce de l'amour dans la rue Sainte Polycarpe, et je me moque d'être emmenée au poste, si c'est avec toi. Je me fous des heures longues au pied du mur, il n'y a plus de remparts au monde ni à la société: je nous appartiens, le reste n'est à personne.

Elle me regarde dans la rue en essayant de deviner ce que mes yeux cherchent dans ce ciel étonnement crépusculaire, mais j'essaie seulement de comprendre quelle est cette magie en toi qui me rend juste illuminée, qui illumine mon monde à moi. Je sens alors que le printemps et l'été se feront avec toi, la certitude m'emplit d'une joie tremblante et angoissée. Le risque est plus éloquent que mes mots sobres que tu ne liras pas, mes aveux cachés dans l'électronique, mes demis-mots pourtant pleinement pensés. Puis Place Saint Jean, nous cherchons vainement un café à cinq heure du matin, et sur le pont, dans ce vent qui nous rendra malade, au milieu du pont, ton baiser, alors le froid est pour plus tard.

Nous sommes montées jusqu'à Fourvière à l'aube, la ville était plongée dans la brume si bien qu'aucun lever de soleil à l'horizon ne perçait les nuages. Sous tes lèvres, le ciel s'éclaircissait sans astre, aurore abrupte et indéfinissable, comme ce coup de talon au ventre que tu me donnes: dès que mes yeux croisent les tiens, après l'absence à sentir tes vêtements, après l'orgasme à fixer ta bouche, remonter l'œil, subrepticement, jusqu'aux autres antres ourlées.

Les Possibles

19 janvier 2010 Comments Off

Vaulx-en-Velin, 8h55

Un lever de soleil rougeoie au dessus du périphérique, quand nous voguons, petit bateau de bois sombre, à travers les mats noirs des ponts et des poteaux. Une flopée de HLM pour unique point d’ancrage, je marche le long d’un golfe de béton. J’ai mal aux veines, et mon cœur bat sauvagement à l’intérieur de moi, peut-être que tu ne le sais pas. A l’intérieur c’est l’aube constamment, le matin aveuglant et solaire. Et puis ce n’est plus Villeurbanne c’est Delft: mes pieds caressent une eau de mer peinte à l’huile du seizième siècle, et personne n’est préparé pour d’aussi mystérieuses eucharisties.

Le monde est l’antre d’un démon éventré par les mains d’un ange. Mon ventre doux debout entre les draps, vivant. Puis par delà l’assurance animale, beauté contreplaquée, je me recroqueville, petit chardon brisé. Dans le brouillard de la banlieue, je compte mes hématomes de vie nouvelle _ sans cesse renouvelée. Et par-dessus les mains pressantes et l’impatience au creux des cuisses, c’est bien l’urgence au fond de l’âme qui me rend d'un seul coup presque ataraxique.

L’existence est incompressible à ta bouche. Bien au contraire quand je t’embrasse soudain le large se découvre. Soudain la plus grande nudité: la crainte au fond des yeux entraperçue. Et puis ce froid qui se glisse en moi par la pupille, pastille blindée du fourgon sentimental. Malgré la caresse, le métal, camaieux de gris bleu, imprécise appréhension. Le jour où j’ai su que j’allais souffrir : mes bras dans l'eau tiède et mon corps en dehors, jambes repliées sur la faïence. Je regardais ce reflet de bonheur contenu et d’effroi, si vulnérable dans son bain. Quotidien intérieur plus intime que tous les érotismes, que connaissais-je de toi ? Ta peau, candeur suspendue à tes mains, menus bourgeons d’hiver passant toutes les saisons, tes seins, puis tes cheveux soyeux et teints, adulte composée sur l’enfance, héroïne oubliée.

A chaque latitude, la chair dorée s’invite à mon gosier, l’englobe et le pénètre. Nous composons une géographie charnelle, un désir cannibale s'impose en moi, quand aux hanches se dessine le pôle de latitudes équatoriales : le nord est devenu le sud: tout amour est absurde. Et dans l’aberration, personne n’est voué à quiconque: cependant tout en toi n’est qu’un tropique suave à ma pluie. L’assurance était telle de ne jamais autant souffrir à nouveau. Et puis je t'ai vue dans ton bain, dans cet abandon nu. Sans ivresse ni pouvoir. Et j’ai su qu’il était tout à fait possible, par le hasard le plus bienheureux, que je subisse encore.

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Lyon, 21h02

Sur un fauteuil tapissé de rouge, chaque nanomètre de toi brille à la lumière d’un mystique rituel fait de coquilles Saint-Jacques et Riesling 2008. Mon intérieur aussi est auréolé à la bougie. Si tu approches la flamme tu peux lire les messages gravés au couteau de certains embastillés en moi, car je n’ai eu de cesse de faire savoir à mon intérieur que j’aimais. C’est un piano affolé vibrant dans l'aorte thoracique et dont le timbre gronde entre mes bronches. Tu vois tu ne sais rien mais chaque atome sonne.

>Il est vingt-et-une heure, rue de la Guillotière, un vent glacial balaie les passants jusqu’au pont, Lyon est illuminée de givre, de brouillard et de pollution d'heure de pointe. Les bars se remplissent d’alcools et de pizza. C’est une mauvaise journée, dans laquelle la peur a eu le premier le rôle jusque dans la soirée: j’enlace l’amertume dans l’instant, c’est tout. Dans la pénombre d’une autre soirée tu parlais de sacrifier quelque chose qui comptait, ça signifiait beaucoup, ça voulait dire tout, et je flippais.

Alors, il est vingt-et-une-heure grande rue de la Guillotière, les autos font des embardées mais je peux bien mourir, avec toi sur la route comme deux faons égarés. J’ai déjà écouté Tchaïkovski il ne peut rien arriver. Et puis à l’extérieur, la révolution est plus silencieuse qu’invisible : chaque heure est là transfigurée, et je me départi de moi-même, et dans les draps je ne sais plus où je m’arrête et où tu commences. Où je disparais dans le plaisir, où je me fonds en toi. Et puis le sacrifice tu ne sais plus : qui est cette autre qui vient t’enchainer? C’est vrai qui suis-je dans ton monde pour te faire vaciller. Il s'agit de se souvenir que le renoncement se mesure à l’échelle de l’amour : celui du regret.

Et puis je n’en ai pas. A ta bouche mon odeur mon soupir mes sueurs : il n’y a pas d’eau assez profonde, ni de désert assez sec dans ce monde révélé les jours sont des nocturnes et les nuits sont solaires Taguer l’espoir en bas de chez toi à quatre heures du matin, je sais que c’est possible, comme décider de partir à Londres du jour au lendemain ou bien faire un puzzle comme faire l’amour. Dans cet improbable là, je me souviens de mes deux pieds dans la neige, dans cet hiver démesuré, ma solitude heureuse: je sais que c’est possible.

Fear for Fear

14 janvier 2010 Comments Off

Université Lyon 1, gymnase

L'évidence est si nue, j'en suis si dépouillée:
Je n'avais jamais eu autant fierté
Pour quelqu'un d'autre que moi
Terrible est la mue, l'aube, et le fruit tendu

Je ne sais pas encore le dire que je le sens bouillir
Au fond de mes deux mains mes veines
Mon quelqu'un d'autre en moi,

L'ardent bonheur douleur, et puis le cœur qui se souvient
Quand on se dit: Serre moi.
Pour ne pas se dire
J'ai peur du monde entier mais bien moins avec toi

A bout de souffle

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Quelque part, je cherche ce moi qui se renouvelle et qui démange, et puisque la vie pousse si fort sur les côtés, alors il faut écrire dans la hâte, et plus encore s’il le faut, il faut écrire entre ces deux souffles qui menacent de faire tout disparaitre. Le tien, et le mien, morceaux de vie hors d’haleine entre les draps. Ancrée à ce lit que je découvrais de manière fortuite et indéfinie une nuit, si peu de temps après Noël. Alors. Il faut revenir à ce commencement pour pouvoir écrire cette histoire de bouts de souffle, mon inconnue, mon astragale dans le froid, puisque l’existence entière est devenue froide et inhumaine sans toi.
Tu te souviens de ces carnets d’intention de prière que tu avais noircis de prénoms et de dates, de dessins d’enfants morts et de fleurs bizarroïdes.

A Sainte-Bonaventure, tout près du Monoprix, les âmes sont en solde : j’en ai acheté une à ma taille et j’ai revendu l’autre. Jésus n’avait pas l’air d’avoir la forme mais mon corps se tendait tout au fond, orgasme intellectuel sur banc de bois, et si je prie pour me parler à moi-même, si je m’agenouille sans croire, ça fonctionne pareil. Le monde est une machine d’espoirs contradictoires. Les touristes chinois trempent leurs doigts dans l’eau saumâtre bénie par un grand noir, et je porte un cierge à défaut d’un toast à l’autel. Aux murs, des donations en pierre et des fresques anciennes, un peu gréco-romaines.

Et puis, je ne crois pas en Dieu, mais j’ai repris une vingtaine de Je vous salue marie, parce qu’il fallait pouvoir trouver quelque part cette force infinie et ce silence, cette beauté du monde. Et pour me rechercher dans de nouveaux calices, je me devais d’emprunter ce chemin étrange de superstitions et de déni qui souffle Pardonner, donner, donner.
Je me souviens de Sainte-Thérèse même s'ils ont démantelé la statue dont le dogme radical criait: Il faut aimer, sans mesurer quoique ce soit. Et je la crois toujours, comme la première fois.

Proust et moi

12 janvier 2010 Comments Off

août 2009 - in front of James Joyce



7 - Mon rêve de bonheur

Sortir de la logique marchande pour la logique du cœur.




Kitchen tought

11 janvier 2010 Comments Off


D'un coup le couteau en main tout m'étonne
Où était caché le bonheur pour surgir si brutalement?
Je bondis dans la cuisine animal enragé de rire
Je vis si fort que l'angoisse de disparaître s'aiguise

Du bénéfice du risque

10 janvier 2010 Comments Off


Tu n'aimes pas le dimanche l'hiver c'est morne
Alors on danse à l'heure des thés,
On lévite sans passé

De toute façon il neige depuis dix jours dans cette vie improbable
Alors,
Nous je laisse au hasard.

A cinq heures du matin aller viens,
On a qu'a dire tchao bande de cons, et on s'en va,
Et elle est prête à prendre sa voiture, là tout de suite
Et je t'aimerais à l'instant rien que pour le risque

Eleven sights for better world

6 janvier 2010 Comments Off

0/ A midi, mon père pleurait soudainement dans la cuisine. En arabe il lui dit tu me manques et je désespère Mima. Ta mort fut cette délivrance soudaine, malheur inattendu. Mes yeux se sont ouverts dans les larmes, pressés dans les cheveux consanguins et amis. Le seul cadeau que tu m'as fait c'est ce brutal départ, leçon de vie ultime si tristement réaliste. J'ai peine à croire que ton visage si doux et blanc pourri ce soir sous terre. Peut-être que je pleure pour ce passé non partagé, mais il y a ce présent sans toi que tu as laissé, qui m'a poussé vers la vie nouvelle.

1/ Dans sa voiture, ses yeux pâles brillent d'eau froide, m'attirent par leur sensibilité nue, me glacent par leur beauté. Sa bouche est un léger corail d'une délicatesse ciselée, comme tout ce visage inconnu m'est maladroitement subtil et émouvant. Nous rions de si bon cœur que je ne sais pas mentir avec mes yeux. Ce qui est absolument beau fait absolument peur.

2/ Sur canapé. Une ébauche de confessions, Get 27 et demi-lunes aux poignets. L'œil froid et jaune injecté de sang, la parole sadique, le rasoir, le corps aux angles durs, l'appartement, sa tête se tapant contre le mur, mon corps oublié dans un coin, l'angoisse du soir qui passe, la mauvaise nouvelle, le mensonge, le sentiment d'impuissance, le regard sadique dans la glace, l'os, les nuits où j'étais malade, et où elle n'est jamais revenue, la mort, le silence assourdissant, l'œil aveugle aux beautés du monde, le vers cynique en réponse à l'espoir, l'alcool, les membres qui s'affaissent, l'ivresse qui se couche sur le parquet, le dédain, l'envie d'en finir à deux heures du matin, le chandelier en verre près de ma tête, les petits pansements après avoir appelé la police, la fuite de gaz, le cœur dans la salle d'attente, le lit que j'ai changé de place, les nuits vides, les murs que j'ai redécoré, les mains vides, les recettes de cuisine que j'ai noté, la nourriture froide dans la poubelle, le feu intérieur éteint, les factures et les chèques de l'illusion, le sang de partout, la poche en plastique accrochée au porte manteau d'un mourant, le salon vide sans Mima, la lame sous le coussin, le corps pesé, les pieds nus dans les escaliers, l'attente devant la porte, le poids du sac à dos, l'odeur de la pizza.
Elle a une incompréhension quand je ris en pensant aux pires souvenirs. Mais il n'y a qu'à rire parce que je suis encore entière,
Et que c'était pas gagné

3/ Que je sois encore ce moi substantiel et total.

4/ Elle se préserve comme elle le peut, elle l'avoue un peu, aussi et puis sans l'avouer on le devine. et je n'ai pas envie de savoir ce qu'elle cache, il faut ressentir et aimer sans connaître car cette vie est trop courte pour se protéger des autres. Et je sens la vie trop forte en moi pour ne pas tout risquer. Elle me dit que l'existence un jeu. Et qu'il est agréable et effrayant de se jouer comme ça au fond de tes yeux sur chaque commissure de ta bouche,dans cette élaboration si naturelle d'un nouvel attachement.

5/ Minuit à Villeurbanne, ou ailleurs, ça pourrait être n'importe où. Quelqu'un à peur que je me fasse attaquer par un déséquilibré. J'enlève mon manteau en tremblant. La pièce de théâtre était légère et vivifiante mais le froid me fait mal: cette personne que tu crains était dans mon lit et pas dans la rue. Alors pourquoi l'angoisse.

6/ Dans la voiture. Je chante intérieurement. Je t'embrasse en me disant que je t'aime, que je suis amoureuse. C'est venu sans prévenir, ça m'enchante et me terrifie.

7/ Aimer sans connaître, c'est se jeter sans voir. Je saute demain
Pont Morand c'est décidé, je t'ai bien parcouru, dedans, dessous, dessus, et puis le noir est tel dans cette vie sans les rives des autres humanités. Sans les lumières de la ville, comment serait le Rhône? Il serait comme moi dans la cage d'escalier rue des Tables Claudiennes à une heure du matin. Il aurait mon sac au dos rempli d'olives et de pain. Mangés par la moisissure et grouillant de vers blanc. Aurais-je ramené ton corps, Mima?

8/ Seule dans la nuit. Dans mon dos quel est ce putréfié qui coule?

9/ Jamais je ne t'aurais donné le lieu où tu m'as laissée puer dehors

10/ Le téléphone sonne de l'autre coté de la porte, le chat miaule un peu, mon poing contre le bois. J'ai tenté de bâtir quelque chose en prenant cet appartement, en me fichant de l'absurdité du monde. On ne peut jamais regretter d'avoir eu de l'espoir. Quand ensuite j'ai trouvé mieux en moi que tout ce que j'avais pu trouver en toi, avant d'avoir rendu les clefs.

11/ Le matin est un tout-est-possible universel.
Et quand je t'enlace à n'importe quelle heure il n'y a que le matin

De l'heure et de la nuit

4 janvier 2010 Comments Off


Je lui ai dit: j'irais marcher dans la neige au petit matin,
Car la vie est trop belle pour dormir seule
Tu vois je suis tellement vivante que j'ai le ventre qui saigne deux semaines à l'avance
Et ce monde recouvert de blanc, étrangement endormi,
C'est comme ma nuque apaisée de baisers, c'est comme
Toute la bestialité du monde qui n'existerai pas, le couperet brutal
De l'heure et de la nuit
Qui ne tombera pas, non, pas aujourd'hui.

Subtilités

3 janvier 2010 Comments Off

Sa peur et ma peur se regardent
Aucune n'oserait écrire ce mot
De peur de transparaitre

Puis disparaitre
Au fond de l'oeil cette nudité plus troublante que le désir

Il s'agit de cacher la tristesse subtile de l'existence
Au bonheur qui vient de naître

Still life

1 janvier 2010 Comments Off

Tu réalises aujourd'hui combien il faudra de malheurs pour t'anéantir
Et avec le temps tu te rends compte
Qu'il en faudra beaucoup

(Chaque frémissement du monde est furieusement beau depuis.)

Tout semble aujourd'hui si délicat si vivant pour que cette survie puisse, Cynique,
Uniquement faire pleurer, et l'idée d'un regret,
Uniquement faire rire.