Si hâtives préparations

26 juin 2009 Comments Off



Elle n'a vu de notre nid débutant que la cage d'escalier aux murs grenats. J'en reste aux parties communes car la peur me souffle des idées de fuites et de dédales brûlants. L'attachement au lieu vient de l'angoisse de la perte. Chaque couleur primaire est ce besoin infantile et jamais rassasié d'identification:
Comme j'aimerais pouvoir autopsier le temps.

Les lieux parlent par les couleurs et les noms. Et la mémoire est plus précieuse que tous les sens.


Quand nous étions à Berlin dans cet appartement de banlieue nord ouest, je me remémore parfaitement l'itinéraire plus que la chambre rose. Il faut prendre la ligne 8 direction Wittenau, le changement est à Alexanderplatz ou Jannowitzbruke si l'on vient par le tramway.

Il faut descendre à Alt-Reinickendorf ou Lindauer Allee, puis passer par le parc.


Je me souviens qu'une nuit nous nous sommes perdues. Nous avions débarquées hagardes à Hermanstrasse, à trois heures du matin. Il y a avait une place publique, des commerces turcs aux hommes endormis sur des tabourets. Nous ne nous entendions pas bien cette nuit là. Je ne me souviens plus pourtant ce que je lui reprochais. Mais je sais que le monde est un plan de métro parisien: on voyage sans savoir où l'on va arriver et les stations sont rarement propres et bien agencées.

Et le sommeil est un métro berlinois wagons vides et filles tatouées rentrant d'une longue nuit. Qu'il est bon de se rappeler que la vie est toujours de couleur indéfinie. Je sais que je t'aime toujours car je veux partager d'autres métros inconnus avec toi, encore un moment, ailleurs que sur la ligne D. Et plus encore ailleurs.

Il y a peu d'endroits où j'aimerais retourner tant qu'à Zylt, Pise et Dougga.
La première est cette île où l'on vient en train à marrée basse, sur la mer du nord et ses bois blancs .
La seconde: cette chambre sous les toits qui ne doit plus exister, et cette nuit sereine
La dernière est un champ de plateaux secs et de ruines romaines, vides au crépuscule.

Là où j'aimerais ne plus revenir: La banlieue de Rome à Rimini, quand ma grand mère adoptive au dos courbé plumait une poule dans une maison italienne à colonades, sans chauffage en hiver. L'appartement de Genève où la femme qui me gardait fumait clope sur clope et se réveillait dans l'après-mi
di. Ce chalet de Haute Savoie lorsque j'étais cartographe, logée dans la pièce qui sentait la mort du crucifix aux plinthes.

Et dans cette peinture de monde étrange, entre les deux, il avait l'appartement Haussmann rénové à la hâte, et ses fausses moules, cette alcôve de tapisserie peinte, sombre et enchantée. Au plafond j'avais collé des étoiles, pastiches: désirs de rêve et d'immaturité. Et je me souviens nettement de la personne qui m'avait aidé à les accrocher. Je tentais de mettre un ordre dans le ciel. Elle m'a dit Place tout au hasard c'est plus naturel. Tant de mémoire pour de si hâtives préparations, de si hâtifs changements, un si court moment d'inexistence.

Je quitte aussi cet appartement parce que je conserve l'image de moi en train de pleurer dans la cage d'escalier, plusieurs fois, à tous les étages. Il y a eu du positif aussi. Oui, je sais. Mais la photographie est nette. Le reste en négatif.

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